Ouvre les yeux

épisode pilote.

idée originale et écriture de Jade

 

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*      *      *

                  -Madame Adams, c'est délicieux.

David n'avait jamais mangé chinois avant de connaitre Lauren. Elle le regrettait amérement. Tant d'années passées sans connaître le porc à l'aigre douce ! Il restait vrai que sa mère était un véritable cordon bleu, mais tout de même.

- Reprends en, lui répondit la mère de Sébastien en lui tendant le plat.

Tous étaient en cercle autour de la table : William et Ling Adams, Lisa Phillips, Lauren, Diana, David et Sébastien. Ils ne parlaoent pas, mais c'était plus du au fait qu'ils mangeaient bien qu'à celui qu'ils n'aient rien à se dire. Comme à chaque fois, Lisa était soufflée de la quantité de nourriture que Ling était capable de préparer en si peu de temps.

- Comment va Lucie ? lui demanda William quand ils eurent vidés leurs assiettes.

Ils savaient quels liens familliaux unissaient Lucie Anderson aux Phillips. Lorsque David avait présenté Lauen et Sébastien à sa mère, celle ci avait voulu rencontrer leurs parents. Depuis, ils se voyaient réguliérement et prenaient des nouvelles de leurs familles respectives.

- Bien je crois. Son travail n'est pas facile tous les jours, mais elle garde le sourire, comme d'habitude. En ce moment, elle est avec Jessie.

- Pourquoi ne pas leur avoir demandé de venir ? fit Ling en se tournant vers son fils.

- Elles étaient déjà parties. J'ai essayé d'appeler chez Lucie mais ça ne répondait pas.

- Vous avez écouté les infos dernièrement ? commença William. Les cas de violence auguementent de plus en plus. Et pas que chez les jeunes. Récemment, un homme de cinquante ans a agréssé une octogénaire dans sa voiture !

- Dans quel monde vivons nous.

Sebastien, comme sa demi-soeur, leva inperceptiblement les yeux au ciel. Lorsque Lisa et les Adams se lançaient dans un débat politique ou d'actualité, ça pouvait aller très loin. Ce n'était pas que ces sujets ne l'intéressait pas, mais les conversations des adultes pouvaient parfois être très pesantes.

- Et si on s'éclipsait ? proposa t'il aux autres.

Lauren et Diana firent un signe affirmatif. David n'avait pas entendu, trop occupé à donner son opinion. Ils débarassèrent leurs couverts et montèrent. Lauren s'assit sur son lit, les yeux dans le vague.

- Nous sommes des insouciants, murmurra t-elle.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Nous vivons dans notre petit monde, sans nous préocupper du reste. Nous ne nous soucions jamais des phénomènes d'actualité graves. Nous ne regardons jamais un journal télé, ne lisons pas un seul quotidien d'informations. Lorsque nous voyons un SDF dans la rue, nous évitons son regard.

Les autres ne répondirent rien.

- Nous vivons notre petite vie sans histoire, et c'est tout.

- Nous sommes des humains, conclut Diana. Pire, des adolescents.

- Je ne plaisantais pas.

- Moi non plus. [Elle alla s'asseoir à coté de Lauren et lui passa un bras autour des épaules] Le fait est qu'à tout âge, les gens sont insouciants. Rares sont ceux qui se préocupent des autres, mais il y en a tout de même.

- Parfois quand je réalise ce qui se passe autour de nous, je me sens impuissante. Je voudrais faire quelque chose, mais je ne sais pas quoi, ou je n'ose pas.

Sebstien prit une chaise et s'installa face aux deux filles.

- Nous ne pouvons pas changer le monde Lauren. Nous n'en avons pas le pouvoir.

- Je suis sûre que même à notre échelle, nous pouvons faire pas mal de choses.

- Comme ?

- On pourrait simplement commencer par redescendre et parler avec nos parents.

 

*      *      *

                    La salle principale du commissariat était littéralement pleine à craquer. Jess était étonnée qu'il y ait assez d'oxygène et que tous ces gens ne tombent pas raides morts d'asphyxie.

- Le bureau de l'inspecteur Riker est au fond, la guida Lucie.

- Riker ? Ce n'est pas Stewart ?

- Ils travaillent ensemble et n'ont qu'un bureau pour deux, malgré les généreuses donations de l'état aux forces de l'ordre, ironisa t-elle.

- On ne peut pas tout faire. Payer les flics ou les trafiquants d'armes, il faut bien faire un choix. Ce Riker est au courant pour...

- Non. Je ne le connais même pas, je l'ai simplement apperçu une ou deux fois en venant voir Holly.

Elles se frayèrent un chemin à travers la fumée de cigarette et les coups de téléphone incessants. Une porte en piteux état était ornée d'une plaque disant "Riker & Stewart". Des stores noirs de poussières cachaient l'intérieur. Lucie frappa et entra. Un homme à l'age indéfini, cinquante, peut-être plus, était assis derrière son bureau. Il avait la tête entre ses mains. Lorsqu'il entendit la porte, il releva le visage, passa une main dans ses cheveux grisonnants et regarda les deux filles devant lui. Jess le sentait malheureux.

- C'est pour quoi ? demanda t-il d'une voix cassée.

- Je m'appelle Lucie Anderson. Je suis une amie d'Holly. Pouvons nous la voir ?

L'inspecteur Riker, Andrew à en croire sa plaque posée sur le bureau, resta immobile. Son regard se fit encore plus triste, mais il le dissimula bien vite.

- Je suis désolé. Holly Stewart est décédée il y a un peu plus d'une semaine.

Lucie hocha la tête, ne répondit rien. Jess lui prit le bras et l'emmena dehors.

- Toutes nos condoléances, dit-elle à Riker.

- Merci, répondit-il.

Jess conduisit son amie à l'extérieur. Il faisait presque noir. Elles s'asseyèrent sur un banc public.

- Lucie je suis désolée.

Elle ressentit une profonde tristesse à l'intérieur d'elle-même. Elle réalisa que ce n'était pas seulement la peine de Lucie. C'était également celle d'Angel.

- Ca explique pourquoi Angel s'est transférée plus tôt en toi, murmura Lucie. Ca explique aussi pourquoi quelque chose à du se passer de travers.

La Daeren prit peur.

- Est ce que l'inverse est possible ? Le fait que le transfert se soit mal passé aurait pu la tuer ?

- Je n'en sais rien. Il faudrait... connaître les circonstances du décès. Jess, je ne veux pas retourner là-dedans demander à cet homme ce qui s'est passé.

- Je sais. Ne t'inquiètes pas.

Jessie prit son amie dans ses bras, et celle-ci commença à pleurer, en silence.

- La bibliothèque doit être encore ouverte, dit-elle tristement. On a du en parler dans les journaux. Allons consulter les archives.

- Lucie, on peut attendre si tu veux. C'est peut-être un peu tôt pour...

- Non. Toi et Angel avaient besoin de savoir.

Jess n'insista pas. Lucie aussi avait besoin de savoir.Il s'agissait de son amie, et elle ne pourrait pas faire son deuil correctement sans connaître la vérité.

La bibliothèque du coin était effectivement encore ouverte. Ce temple du savoir contenait toutes les informations possibles et imaginables. En revanche le système de classement laissait à désirer. La section "archives" consistait en une grande salle dans laquelle étaient entreposés les journaux, triés par noms. Ils avaient dus être rangés par ordre chronologique un jour, mais les gens ne se donnaient pas la peine de les remettre en place. De ce fait, il fallut à Lucie près de vingt minutes pour trouver ce qu'elle cherchait.

- Jess, Angel, venez voir.

Jess ne se faisait pas encore à l'idée que Lucie connaissait Angel sans doute mieux qu'elle. Elle rejoignit la jeune femme et prit la page qu'elle lui tendait. A la vue du visage imprimé sur le papier, des souvenirs revinrent à la mémoire d'Angel. Des souvenirs peu agréables.

 

Coup dur pour la police New Yorkaise.

article stewart.jpg (3714 octets)

        C'est dans la nuit de samedi à dimanche que le lieutenant Holly Stewart, agée de trente et un an, a été abbatue dans l'exercice de ses fonctions.
H. Stewart enquêtait seule sur une affaire de proxénétisme, son coéquipier et supérieur Andrew Riker étant chargé durant cette période de la protection de témoin.
Travaillant sur cette affaire depuis près d'un mois, elle s'est alors rendue sur le terrain. Aucun de ses collègue ne sait où le lieutenant est allée la nuit du drame. Elle aurait juste dit à l'inspecteur Riker que ses soupçons se confirmaient, qu'elle allait sans doute procéder à une arrestation et que si tel était le cas, elle appellerait des renforts.
Il n'y a eu aucun appel. Un quidam l'a retrouvé au petit matin dans une ruelle, tuée par balles. Une enquête a été ouverte mais sans résultats...

Elle en avait assez lu. Angel savait qu'elle n'avait pas "tué" son ancien hôte. Mais sa mort n'en restait pas moins douloureuse.

- Lucie, ça va aller ?

- Oui.

- Je me souviens de sa mort, fit Angel. Il y avait un homme. Je ne me rappelle pas son visage. Il nous a tiré dessus. Ensuite... je ne sais plus. Il y a eu un grand vide, comme si j'avais perdue quelque chose en moi-même. Et puis j'étais en Jessie.

Une lueur apparue dans les yeux de Lucie. Jess eu un mauvais préssentiment.

- Tu sais qui l'a tuée ? Tu te souviens de l'endroit où vous êtes allés ce soir-là ?

Angel se concentra. Des images lui travrsèrent l'esprit. Mais elle n'était pas sûre de devoir tout dire à Lucie. Quelles étaient ses intentions exactement ?

- Tu ne comptes pas aller là bas ?

- Pourquoi pas ? Je ne veux pas qu'Holly soit morte pour rien, et je suis certaine que toi non plus. Tu l'aimais Angel, elle était comme ta soeur.

- Je m'en souviens.

- Il y a autre chose. Holly m'avait parlé un peu de son enquête. Elle était sur le point de réveler au grand jour quelque chose d'important. Une personne était son contact, une des prostituées, je ne sais pas qui. C'est un peu compliqué.

- On n'est plus à une complication près. Explique.

-Cette femme savait pour Angel.  Personne d'autre ne la connait. Mais d'après Holly, elle était en danger. Elle devait la sortir de là tout de suite. Seulement, si on demande l'aide des forces de polices, elle ira en prison. Or nous avons besoin d'elle. Elle était le lien d'Holly et Angel avec ce milieu difficile. C'est un atout dans le projet des Daeren. Et de toute façon, elle ne mérite pas de finir derrière les barreaux. Je suppose que seul Angel pourra l'identifier. Il faut terminer ce qu'Holly et toi avez commencé. Pour notre amie. Et pour cette femme.

Angel et Jess n'hésitaient plus. Toutes les deux avaient confiance en Lucie. Angel savait qu'elle n'aurait jamais mis Jess en danger. Elle ne voulait sans doute pas foncer tête baissée. Malgré la douleur causée par le décès d'Holly, Angel sentait que Lucie gardait la tête sur les épaules.

- Nous pourrions commencer  par récupérer les dossiers et les notes d'Holly et aller repérer les lieux.

- Je suis d'accord, répondit Jess.

D'elles trois, elle était la seule à ne pas avoir connu Holly. A moins qu'elle ne l'ai oubliée...

- Lucie, est-ce que je la connaissais ?

- Bien sûr mon ange. Vous vous êtes rencontrées à plusiseurs reprises, pour que tu saches qui était Angel et ce qu'engageait le fait de... l'héberger. 

- Je voudrais tellement me souvenir...

- Ca reviendra, leur promit Lucie, réalisant que les deux êtres parlaient en même temps.

Tout cette histoire était décidément des plus troublantes. Et pourtant ce n'était que le début. Que pouvait bien leur réserver la suite ?

 

*      *      *

                La nuit était tombée à présent, recouvrant New York d'un grand manteau noir. Les étoiles étaient toutes dissimulées par les nuages. Pour Eddy, c'était mauvais signe. Le présage que quelque chose de mauvais aller arriver, ce qui était inquiétant puisqu'il y avait des nuages neuf jours sur dix. Mais dans cette ville, il se passait quelque chose de mauvais dix jours sur dix. Alors finalement, Ed n'avait peut-être pas tort. Il fit le calcul des gains de la journée : à peine de quoi acheter un sandwich. La pluie avait poussé les gens à rester chez eux, tout du moins à ne pas s'attarder. Programme de la soirée ? Il allait fouiller quelques poubelles et regagner son "domicile fixe" : la cabane de jardin des Mayers. Il n'était pas fou au point de passer la nuit dans ses cartons. Mais si un jour les deux retraités le surprenaient, Eddie pouvait être sûr d'être chassé à coups de fusil. Bon, il fallait se lever maintenant.

Un homme passa devant lui et fit tomber une pièce dans sa timbale, sans rien dire. Ed l'avait reconnu. Riker. Est-ce que Riker savait que c'était lui ou pensait-il avoir à faire à n'importe quel vagabond ? Ils se connaissaient et ne se parlaient jamais. Ce fait était sans doute du aux circonstances de leur rencontre...

Andrew Riker n'avait pas vu traîner Eddy depuis longtemps. Il devait changer régulièrement de trottoir. De toute façon il ne faisait attention à rien ces derniers jours. Trop englué dans son chagrin pour penser. Holly lui manquait. Après son divorce, il s'était retrouvé seul et était devenu une véritable loque humaine, imbibée d'alcool. Jusqu'à ce qu'Holly débarque. Sa spontanéité et sa gentillesse lui avaient redonné la joie d'exister. Il faisait toujours de la dépression chronique et n'avait pas arrêté de boire. N'empêche qu'avec Holly, venir au boulot n'était plus une corvée.
Maintenant Andy était de nouveau seul. Seul. Qu'est-ce qu'il allait faire ? Dans l'immédiat, rentrer chez lui et vider une bouteille. Mais après ? Après, il finirait l'enquête d'Holly. Elle le méritait, tout comme les salauds qui l'avaient tuée méritaient de finir derrière les barreaux. Riker le justicier... pathétique. On était à New York. La loi n'était qu'une illusion, un trompe l'oeil géant pour faire croire aux habitants que le monde autour d'eux n'était ni corrompu ni en train de s'écrouler. Bon sang, les gens ne pouvaient-ils pas ouvrir les yeux ?
Il était arrivé chez lui. Il chercha la bonne clef, entra. Il jeta son manteau élimé sur le divan et saisit la bouteille qui traînait sur la table depuis ce matin. En prit une gorgée et alla s'asseoir. Andy continua de remplir et vider son verre jusqu'à ce que la douleur, le décor, la lumière, tout disparaisse.

 

*      *      *

                 - Je sens que je vais craquer...

Jack Willis était planté devant l'armoire depuis cinq minutes, bien plus de temps qu'il ne lui était nécessaire pour avoir des envies de meurtre. Georges s'était encore enfermé.

- Je l'ai, fit une voix derrière lui.

Al Barnett le rejoignit, un passe-partout à la main.

- Tu devrais emmener ce gosse voir un psy mon vieux. Il est agoraphobe ou quoi ?

- Et toi tu devrais fermer tes placards à clef quand tu m'invites à dîner.

- Ce serait plus simple de ne pas amener le gosse, plaisanta Al avant de crocheter la serrure.

Voyant la lumière, Georges bondit comme un diable hors de sa boîte, renversant son oncle, le guéridon et le vase posé dessus. Al secoua la tête de droite à gauche.

- Ou de ne pas t'inviter du tout, conclut-il.

Il aida Jack à maitriser son neuveu, qu'ils installèrent sur un siège munit d'une ceinture.

- A cinq ans, devoir encore l'attacher, soupira Willis. On va se farcir un procès pour maltraitance d'enfant un de ces jours !

- On ? C'est ton gosse !

- Il te considère comme son oncle Al.

- Et moi je le considère comme Charles Manson ! Assied toi, je ramène le plat.

Al repartit en cuisine. Jack soupira de nouveau et regarda son neuveu droit dans les yeux.

- Pourquoi fais-tu ça ?

- J'm'ennuie, fit Georges, ce qui était sa phrase préférée.

- Oui oui je sais. Pourquoi tu t'occupes en essayant de me rendre fou ?

Son ton était affectueux, pourtant le garçon répondit :

- Pour que tu me rendes à Maman.           

Il n'avait jamais parlé de sa mère avant. Carla Willis suivait une cure de désintoxication dans un établissement d'Atlanta. Elle était... avait été cocaïnomane et tentait de s'en sortir. Les soins étaient payés par leurs parents, mais ils ne voulaient pas garder Georges avec eux en Europe. C'est pourquoi la responsabilité incombait à Jack. C'était lui qui s'était proposé. Il pensait que le petit garçon serait mieux ici qu'à l'étranger avec ses grands-parents.

- Quand ta maman sera guérie, elle viendra te chercher Georges. En attendant, on s'amuse bien tous les trois non ?

- Tonton Al fait pas bien la cuisine.

Tonton Al revenait justement avec un saladier dans les mains. Il manqua le laisser tomber.

- Tu sais que je l'adore ? Il est presque pire que certains de mes élèves.

- Excuse le, répondit Jack. Je crois qu'il est fatigué.

Ils mangèrent et Jack alla coucher Georges dans le canapé.

- C'est toi qui est fatigué, annonça Al quand ils furent seuls, Georges s'étant endormi. Tu as des nouvelles de ta soeur ?

- Non, pas depuis trois semaines. Et toi, ça va ?

- Les adolescents me fatiguent.

- Ce n'est pas nouveau. En fait, rien ne change jamais.

- A une exception près.

- Laquelle ?

- On vieillit.

Jack ne dit rien. Lui et Al  n'avaient que sept ans d'ecart, mais il lui semblait parfois que son ami était bien plus âgé. Ses réflexions sur la vieillesse étaient ironiques, Al savait qu'il était encore jeune. Pourtant, de temps en temps, Jack avait l'impression d'avoir affaire à un vieil homme nostalgique d'une loitaine époque.

- Tu devrais te trouver une femme Al.

- C'est toi qui me dit ça ? Ou je fais un autre rêve stupide ? Jack, je suis bien tout seul, vraiment. Ma petite famille me suffit.

D'un geste de la main, il désigna son ami et le gamin endormi sur le divan. Jak sourit. Lui aussi appréciait sa "solitude".

- Les femmes me fatiguent, dit Al.

- Ce n'est pas nouveau. Rien ne change jamais, même pas d'une minute à l'autre.

 

*      *      *

                Elles étaient toutes les trois dans l'appartement de Lucie, silencieuses. Personne ne savait trop quoi dire. Toutes souffraient de la mort d'Holly Stewart. Mais rester à se lamenter ne résoudrait rien.

- Il faut récupérer les rapports d'Holly, se ressaisit Lucie.

- Comment fait-on ?

- Je sais qu'elle garde... ait  toutes ses notes sur son ordinateur, au bureau. Mais ils ne nous laisseront jamais y toucher.

- On pourrait consulter ses fichiers à distance, en le piratant, suggéra Jess.

Lucie hocha la tête.

- C'est une bonne idée. Tu sais faire ça ?

- Heu...

Jess n'avait jamais touché à un ordinateur avant les cours d'informatique au lycée. Mais ce qu'on y apprenait se résumer à créer quelques programmes de maths, meilleur moyen de montrer les élèves réticents à toute technologie. Quand à Lucie, ses connaissances dans le domaines n'étaient guère plus avancées. Elle possédait un PC avec modem qu'on lui avait offert mais tapait toujours ses rapports sur une vieille machine à écrire.

- Angel ?

Lucie arrivait à distinguer qui de Jessie ou d'Angel prenait la parole. Comme pour Holly, les yeux changeaient de couleur lorsqu'Angel se manifestait. Son intonation était elle aussi légèrement différente.

- Non. Je sais me servir d'un ordinateur comme Jess. Et sans doute comme Holly. Mais ni l'une ni l'autre ne savent pirater un ordinateur. En revanche, je connais, ou plutôt Jessie et toi connaissaient quelqu'un capable de le faire.

- Ah oui ? Un de nos amis trempent dans l'illégal ?

- Lauren, avoua Jessie. Elle ne le fait jamais, mais elle sait. Elle peut tout faire avec un ordinateur.

- Qu'est-ce qu'on va pouvoir lui raconter ?

- Pourquoi pas la vérité ? demanda Jessie.

- Je ne sais pas vraiment. Il me semble mieux qu'un minimum de personnes soient au courant. En même temps, il parait logique que plus de gens t'aideront, mieux Angel et toi pourraient faire ce que vous avez à faire. Tu peux t'assurer de mon soutien le plus total Jess.

- Quel danger y a t-il à connaître mon existence ? interrogea Angel.

- Directement, rien. Le risque est principalement pour toi et Jess. Si ça s'ébruite... eh bien tu sais que les humains ne sont pas particulièrement larges d'esprit. Tu m'avais raconté la première exploration des tiens sur Terre, il y a quelques années. Les terriens ont abbatus votre vaisseau, avant même de savoir de quoi il retournait.

Elle marqua une pause, laissa Angel assimiler ce qu'elle disait et ce que cela impliquait.

- Si des gens hauts-placés apprenent qui tu es, tu peux être certaine qu'ils ne feront rien pour te faciliter la tache. L'action que les Daeren ont entrepris ici va à l'encontre du mode de fonctionnement de la plupart des gouvernements terriens.

Jess reprit la parole.

- Alors on ne peut rien dire ?

- Je pense que tu peux en parler à nos amis. Mais quelle sera leur réaction ?

- Ils me prendront pour une dingue.

- Pourtant tu peux prouver qu'Angel est réelle. Je suppose que tu as toujours ces dons.

- C'est exact. Donc, que fait-on dans l'immédiat ?

- Il est trop tard pour appeler Lauren. Demain après-midi vous n'avez pas cours je pense ? Je vais me libérer. Demande à Lauren si elle veut nous aider. Angel saura si on peut lui dire la vérité.

- Comment le saurais-je ?

- L'empathie de Jess est dévellopée par ta présence. Tu es parfaitement capable d'anticiper les réactions des gens. Pour l'instant, je vais vous ramener chez vous.

Durant le trajet en voiture, le silence était de nouveau roi. Mais à l'arrivée, avant de refermer la portière, Jess demanda à Lucie :

- Dis moi que toute cette histoire n'est pas un rêve complétement dingue.

- C'est la réalité. Jess ?

- Oui ?

- Merci.

Elle repartit avant que Jessie puisse lui proposer de rester. Rebecca n'aimait pas trop les invités surprise, mais ne disait ren quand il s'agissait de Lucie. Tant pis, la jeune femme avait sûrement besoin d'être un peu seule. Elle et Angel entrèrent.

- Bonsoir Jessie, l'accueilla sa mère. Tu as passé une bonne soirée ?

Pas vraiment, voulut-elle répondre, mais elle se contenta d'un oui.

- Tant mieux. Est-ce que tu as mangé ?

- Je n'ai pas faim. Je crois que je vais aller dormir.

- Comme tu veux. Ne réveille pas ton frère.

- D'accord.

Elle avait envie de parler à sa mère, de tout lui dire. Mais elle n'aurait pas comprit. Elle ne savait même pas que sa fille était empathique. Elle ne devait même pas savoir que ça existait. Jess ne lui reprochait pas. Sa mère était loin d'être inatentionnée. C'était Jess qui ne se confiait pas facilement.

- Bonne nuit, dit-elle avant de monter les escaliers.

*      *      *

Is this the real life ? Is this just fantasy ?
Caught in a landslide, No escape from reality.
Open your eyes, Look up to the skies and see,

Bon sang comment avait-elle pu oublier de changer cette saloperie de disque ? Son poing s'abbatit sur l'appareil, sans effets.

- Bonjour.

C'était Angel. Donc la journée d'hier n'était pas le fruit de son imagination et d'une bouteille de whisky.

- Bonjour, lui répondit-elle.

Malgré un départ quasi-identique, ce jour serait sans doute très différent de la veille.

 

*      *      *

   Andy se réveilla avec un cuisant mal de crâne. Il était engourdi. Son regard vitreux accrocha sa montre. Huit heures passées. Il avait de la chance de ne pas avoir d'horaires fixes. Mais il n'avait pas abbatu beaucoup d'heures de travail cette semaine. Il devait aller au bureau. Il se leva, attendit quelques secondes que la pièce s'arrête de tourner. Après une rapide douche, il changea de vêtements et parti en marchant jusqu'au bureau.
Il avait une voiture et un permis. On ne lui avait pas retiré lorsqu'il avait provoqué un accident en conduisant en état d'ivresse. Il n'avait bléssé personne. Mais depuis ce jour, il marchait. C'était meilleur pour la santé, la sienne et celle des autres.
Arrivé devant la porte de son bureau, il se figea. Il devait enlever cette fichue plaque. "Riker & Stewart". Il n'y avait plus de Stewart, et Riker tout seul, ça ne valait pas grand chose. Il entra et s'affala sur sa chaise. Le bureau vide semblait le narguer. Enfin il n'était pas vraiment vide. Toutes les affaires d'Holly étaient encore là. Des dizaines de papier, des photographies, l'ordinateur, des dossiers vides ou plein. Peut-être que dans ce tas hétéroclite, il y avait le nom de son assassin. Il se mit à fouiller, sans trop savoir ce qu'il cherchait. Il se rappelait qu'Holly stockait toutes ses données dans son ordinateur. Mais comme le sien, il devait être protégé. Andy alluma la machine. Avant même que le menu apparaisse, un mot de passe était demandé. Il ne le connaissait pas. Et il ne savait pas s'il avait le droit de faire ça. Il y avait peut-être des choses personnelles là-dedans....
Des choses personnlles, dans l'ordi du bureau ? C'était stupide. Il devait savoir où était Holly lorsqu'on l'avait tuée. Les autres avaient déjà céssé leurs recherches. Après tout, il ne se passait pas une journée à New York sans qu'un flic se fasse descendre, alors s'il fallait payer des recherches pour chacun...
"KEY WORD ?" clignotait sur l'écran. Il lui fallait une idée... Mais ça pouvait être n'importe quoi, un nom, un lieu, un titre de film. Il ne lui fallait pas une idée en fait, mais une illumination. Une des premières conversationx qu'il avait eu avec Holly lui revint. C'était à propos de la mémoire.

- Je n'ai aucune mémoire inspecteur Riker.

- Andy.

- Andy. Je note tout. Je dois même noter mes numéros de compte ou infos dans le genre. Et ensuite, j'oublie où j'ai planqué le papier.

Cette histoire les avaient bien fait rire. Depuis combien de temps n'avait-il pas rit ?
Si Holly notait ses numéros de compte, il en était peut-être de même pour les mots de passe. S'il trouvait le papier, il aurait ce qu'il voulait.
Andy retourna la pièce de fond en comble, en vain. Et il eut soudainement l'idée de tomber dans les clichés. Les vieux classiques, ça marche souvent. Il saisit les photographies posées sur le bureau et les retira de leurs cadres. Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Une feuille de bloc-notes pliée en deux était fixée sur le bois. Il l'enleva et la déplia :

Code du portable : 0407
Alarme maison : 782145
Code ordi perso : Eric Clapton
Code ordi bureau : Andy

Andy était surpris et ému. Le code de son propre ordi était "poubelle" parce que c'était l'objet qu'il avait sous les yeux au moment de choisir son mot de passe. Il saisit "Andy" sur le clavier et remit le papier en place pour qu'Holly ne le perde pas. Il se rappela alors qu'elle ne s'en servirait plus.  

 

*      *      *

- Tu veux que je pirate l'ordinateur d'un flic ?!

- Tu as compris. Parle un peu moins fort, Alf va nous entendre.

Lauren était étonnée de la désinvolture de Jess. Elle n'avait jamais pensé que son amie ferait un jour quelque chose d'immoral, et encore moins qu'elle l'impliquerait dedans. Mais elle la connaissait, Jess devait avoir une raison.

- C'est pour la bonne cause, argumenta Jessie.

Lauren se remémora son état d'esprit la veille, de la conversation qu'elle avait eu avec Sebastien et Diana.

- D'accord. Mais je veux des explications.

- A onze heure, on part avec Lucie. Je t'expliquerai la situation. Tu n'as rien à faire cet après-midi ?

- Rien qui soit plus important que de t'aider. Je passerai un coup de fil à mon père.

Jess la regarda droit dans les yeux.

- Tu n'es pas forcée de faire ça Lauren. Si tu as des obligations... Je ne veux pas te mêler à tout ça....

Son amie eut un léger mouvement de recul. Jess ressentie en elle de la surprise plus que de la peur.

- Qu'est-ce que tu as ?

- Rien, j'ai eu l'impression que tes yeux... rien. J'ai dû rêver.

Angel se sentit mal à l'aise.

- Désolée Jess. Ce n'était pas volontaire.

- Tu n'as pas à t'excuser. Tu as le droit de t'exprimer.

- Jess ? Ce policier, tu le connais ? demanda Lauren.

- Je la connaissais, répondit Jess en même temps qu'Angel.

Elle se mura ensuite dans le silence. Lauren ne posa pas d'autres questions. Le cours de littérature était le dernier de la matinée. David avait une heure de soutien, obligatoire pour les redoublants. Diana et Sebstien avaient encore cours. Elles se rendirent sur le parking devant le lycée.  Lucie n'était pas encore là.

- Est-ce que tout va bien Jessie ?

- Je n'en suis pas sûre. Ca parait bizarre, mais ma vie a énormément changée depuis... hier.

- Le changement n'est pas forcément mauvais. Parfois je pense qu'il faudrait que nous changions.

- Dans quelle mesure ?

Lauren s'assit sur le muret de pierre et Jess l'imita.

- Hier, nous avons diné avec Diana, David et sa mère. Et au moment où les adultes ont abordés des thèmes qui ne traitaient pas du dernier film de Bruce Willis ou du sale caractère d'un de nos profs, des thèmes sérieux, qui concernent tout le monde, nous nous sommes barrés. J'ai l'impression que nous fuyons la réalité, que nous restons enfermés dans nos existences d'ado sans voir le monde tout autour de nous.

Jess ne dit rien. Lauren avait parfaitement résumé la situation. Est-ce que son enthousiasme quotidien était une façade destinée à masquer ses angoisses et son sentiment d'impuissance ?  Dans ce cas, Jessie aurait du le ressentir. Pas forcément. Même en étant empathique, on ne peut connaitre ce que les gens pense. Lauren était une personne complexe. Jess avait le sentiment de pouvoir lui dire toute la vérité en cet instant.

- C'est elle que tu aurais du choisir comme hôte, dit-elle à Angel. Elle se sent tellement plus concernée.

- Peut-être, répondit la jeune Daeren. Mais je pense que si je t'ai choisi, c'est pour une bonne raison. Je ne crois pas que je me serai basée uniquement sur ton empathie.

- Je sais que tu ressents, fit Jess à Lauren. Il m'arrive de penser la même chose. Sauf que je m'arrange pour l'oublier bien vite et revenir à mon "existence d'ado". Insouciante des problèmes du monde.

- Tu n'es pas comme ça Jess. Tu as toujours été à l'écoute des gens.

- Peut-être parce que je n'avais pas le choix.

Son amie fit un signe de dénégation.

- Je ne pense pas.

- Merci.

Une BM beige en piteux état se gara en face d'elle. Lucie ouvrit la portière non sans mal et invita ses amies à monter. Elle souriait, mais Jess et Angel savaient qu'elle était triste.

- Salut Lucie, fit Lauren en montant. J'ai l'impression qu'on ne s'est pas vues depuis longtemps.

- Presque trois semaines, admit Lucie. Est-ce que Jessie t'a expliqué ?

- Elle m'a juste dit que je devais obtenir les dossiers informatiques d'un agent de police. Ce qui est loin d'être mon loisir quotidien. Par contre, je ne sais pas le pourquoi du comment toute cette histoire.

- Cet agent, commença Lucie, était une de nos amies. Elle s'appelait Holly et est décédée il y a quelques jours, pendant son travail. Personne ne sait où elle est allée le soir où on l'a tuée.

Elle reprit son souffle, ne réalisant pas tout à fait ce qu'elle disait.

-  Je voudrais savoir qui a fait ça. Mais j'ai besoin de ses dossiers.

- Je suis désolée, murmurra Lauren. Je vais vous aider. Mais... vous n'allez rien faire de stupide n'est-ce pas.

- C'est-à-dire ?

- Essayez de vous venger. Qu'est-ce que vous ferez des informations une fois que vous les aurez ? Vous les donnerez à la police ?  Je ne vous aiderai pas si vous ne promettez pas de ne pas faire de conneries.

Jess et Lucie échangèrent un regard.

- Nous avons besoin de savoir où ça s'est passé, expliqua Jessie. Parce qu'il y a là-bas une autre personne qui aidait Holly et que l'on doit faire sortir de là.

- Pourquoi ne pas dire aux collègues de votre amie que vous avez besoin de leur aide ? Et comment vous êtes vous retrouvées mélées à tout ça ? Jess, tu me cache quelque chose d'important ces derniers temps. Ta vie a changée, mais pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

Lauren s'arrêta, vidée. Elle n'était pas en colère, mais tout de même exaspérée

- D'accord Lauren, tu as gagné, dit calmement Lucie. Nous allons tout te raconter.

Jess repensa à ce que Lauren avait dit avant que Lucie n'arrive. Elle repensa au fait qu'Angel voulait exister pour d'autres personnes. Elle repensa à son besoin de parler à ses amis.

- Nous allons absolument tout te raconter, conclut-elle.

 

*      *      *

            Rien ne serait plus comme avant. Sa conception du monde était changée à jamais. Lauren était assise, immobile sur le canapé. Angel venait de relacher son contrôle mental sur les bougies qui trainaient sur la table basse.

- C'est... dingue. Mais en même temps, c'est génial.

Son caractère enjoué et optimiste revenait à la charge. Chassez le naturel...

- C'est génial, mais fatiguant, avoua Jess. Mon esprit ne fonctionne pas comme celui d'Angel. Ce n'est  pas  facile de faire ce genre de trucs.

Elles avaient tout dit à Lauren. D'après ce qu'Angel avait capté, elle était du petit groupe de lycéen la personne la plus apte à accepter la vérité.

- Tu n'as pas l'air tellement étonnée.

- Je ne trouve pas étonnant qu'il y ait des formes de vies plus intelligentes dans l'univers. Puisque moins intelligent c'était pas facile à dénicher.

Angel lui fit un sourire.

- Et puis Jess, c'est ce que je voulais faire. Changer les choses. Maintenant nous en avons le pouvoir.

- Maintenant ? répéta Angel. Rien n'a vraiment changé. Faire de la télékinésie est inutile pour changer les choses. Le pouvoir, vous l'avez toujours eu.

- Mais nous n'avions pas de... Daeren ? pour nous apprendre à ouvrir nos esprits. Nous pouvons nous en sortir, mais nous avions besoin d'une aide extérieure. Nous l'avons.

Jess et Lucie étaient épatées de la vitesse à laquelle Lauren assimilait tant de choses nouvelles et sortant de l'ordinaire.

- Bon alors, il faut aider votre amie.

Elle s'installa à l'ordi. Ses mains se déplaçaient sur le clavier avec une rapidité étonnante. Lucie lui donna les informations dont elle avait besoin. Elle se connecta d'abord sur le réseau de la police et au bout de plusieurs minutes de manipulations incompréhensibles pour Jess et Lucie, elle était branchée sur l'ordinateur d'Holly Stewart.

- Dans quoi je cherche ? Affaires ?  Notes persos ?

- Perso, suggéra Lucie à contre-coeur. Si le nom de son contact est quelque part, se sera là.

Le fichier était protégé par un autre mot de passe. Lauren le contourna aisément. Une liste plutôt confuse apparut. Mais le nom qu'elles recherchaient était dessus.

- Tania Sanders, lu Jess à voix haute. Et pour le lieu ?

- Ca ce doit être dans "Affaires". Vas-y Lauren.

Holly notait tous ses déplacement. Lucie parcourut les dates jusqu'à celle de sa mort. Ce n'était pas la dernière. Holly avait planifié la semaine suivante, sans se douter que la semaine suivante elle ne serait plus là. Lucie sentit la douleur refaire surface.

- C'est là, dit Lucie en désignant la ligne sur l'écran. C'est un hôtel miteux pas très loin d'ici. On devrait y aller.

- Là maintenant ?

- Plus nous perdons de temps, plus ce sera dangereux pour Tania. 

D'un commun accord, elles partirent.

 

*      *      *

        Andrew n'avait pas essayé d'ouvrir le dossier portant la mention "personnel". De toute façon, ce qu'il cherchait était dans "affaires". Le soir de sa mort, Holly s'était rendue dans un petit hotel. Il savait qu'elle bossait sur une histoire de proxénétisme. Beaucoup d'hotels faisaient de leurs employées des catins pour arrondir leurs budgets. La plupart des flics fermaient les yeux là-dessus parce qu'il y avait plus important à faire, et parce que pour certains, ils étaient clients occasionels des hôtels en question. Holly était un flic génial, et elle ne se laissait pas corrompre. Mais pourquoi n'avait-elle pas fait coffrer le proprio tout de suite ? Cette histoire devait cacher autre chose. Holly avait laissé échapper une fois ou deux qu'elle pistait un gros coup. Elle avait sans doute attendu d'avoir des preuves. Dans ce pays, n'importe quel criminel pouvait-être relaché pour des conneries.
Holly avait donc joué la carte de la prudence.... ce qui ne l'avait pas empêché de se faire descendre, songea t-il, amer.
Il regarda la pile de dossiers s'entassant sur son propre bureau. Il avait du travail en retard et ce n'était pas à lui de s'occuper de cette affaire. De plus il était interdit de terrain pour le moment. Le boss ne le jugeait pas capable de travailler dans les conditions normales. Aller pourchasser assassins d'Holly dans l'illégalité ne servirait qu'à les faire sortir plus rapidement Le mieux était de refiler ces informations à ses collègues. Il imprima les notes d'Holly et allait sortir quand il se résigna. Pourquoi confier l'enquête à quelqu'un d'autre ? C'était lui qui était concerné. Il s'agissait d'une affaire personnelle. Il mit les feuilles dans un tiroir. Il ne pouvait pas s'en charger maintenant. A supposer qu'il parvienne à coincer la personne qui avait abbatu sa coéquipière, il ne la garderait pas en prison s'il ne l'arrêtait pas en suivant les règles. Sa suspension serait levée dans deux jours. Il allait attendre, aussi difficile que ce soit, et puis il partirait en chasse. Il ne s'arrêterai pas avant d'avoir capturé sa proie. 

       

*      *      *

            Ce n'était pas un batiment accueillant. La peinture rougeâtre qui recouvrait les murs commençait à s'éffriter. Sur l'enseigne lumineuse, deux lettres étaient en panne et le nom de l'hotel : 'Overlook' se lisait Overok. Le hall d'entrée était toutefois plus soigné que l'extérieur. Quelques plantes vertes ça et là masquaient les parties abimés des murs. L'endroit est quasiment désert.

- Nous venons voir Mlle Tania Sanders, expliqua Lucie à la femme qui tenait l'accueil.

- C'est elle, confia Angel à Jess. Je me souviens d'elle très nettement.

- Elle travaille en ce moment. C'est pour quoi ?

- Pour lui parler d'une amie commune, répondit Jessie. Holly Stewart. Nous venons de la part d'Angel.

Les yeux de Tania s'écarquillèrent de surprise. Elle jeta des regards autour d'elle pour s'assurer que personne n'était là. Elle sortit de derrière le comptoir et se dirigea vers le grand escalier en invitant les autres à la suivre. Le premier étage était en tout point semblable au hall. Elles travesèrent un long couloir jusqu'à la chambre 114. Tania sortit un trousseau de clefs de sa poche et ouvrit la porte.

- Si Vasquez apprend que j'ai quitté mon poste je ne donne pas cher de ma peau, grogna t-elle. Je ne peux pas sortir de l'hotel sans risque. Nous allons parler ici.

Elle se tourna vers Jessie.

- Tu as un message d'Angel ? Ca veut dire qu'elle est vivante ?

Angel captait une certaine affection emmanant de cette femme. Ce sentiment était réciproque, même si elle ne se rappelait de Tania que le visage. Elle voulut lui parler et ses yeux devinrent de nouveau gris.

- C'est toi ? demanda Tania. Tu t'es transférée en Jessie Wells ?

- Oui.

Elle s'enlaçèrent un bref instant. Jess se sentait un peu de trop mais sa gène disparut rapidement.

- Je suis tellement désolée pour Holly...

- Tania, intervint Lucie. La mort d'Holly a perturbé le transfert. Angel a perdu la mémoire. Mais nous savons que vous étiez le contact d'Holly et que vous êtes en danger. Qu'est-ce qu'Holly avait découvert ?

Tania alla s'asseoir sur le lit.

- Le dirigeant de cet hôtel s'appelle Miguel Vasquez. C'est un mac, enfin un proxénète. Mais pas seulement.

Voyant qu'elle ne poursuivait pas, Lucie relança le dialogue.

- Que faisait-il d'autre ?

- La traite des blanches, lacha Tania.

- Quelle horreur...

C'était tout ce que Lauren avait pu dire. Comme les autres, elle était éffarée.

- Moi et les autres filles nous sommes retrouvées impliquées makgré nous. Holly avait besoin de preuves pour le coincer. J'étais son informateur. Le soir où elle est morte, Vasquez devait effectuer une "livraison". J'avais prévenu Holly et elle était prête. Mais ce salaud avait des soupçons. Il a changé l'horaire sans prévenir personne et l'a surprise. Il l'a abattue.

Sa voix était d'une neutralité parfaite, mais en elle-même Tania était boulversée.

- Je suis certaine qu'il sait qu'une de ses employées l'a trahi, poursuivit-elle, mais que pour l'instant il ne sais pas laquelle.

- Vous ne pouvez pas rester, c'est dangereux. Une fois que vous aurez disparu de l'hotel, nous pourrons prévenir anonymement la police et faire coincer Vasquez.

- Je ne pense pas que ce soit judicieux, intevint une voix masculine.

C'était un homme grand et large, de type hispano-américain. Il avait une petite moustache et le regard des déments qui savent très bien ce qu'ils font.

- Je suppose que vous êtes Miguel Vasquez, hasarda Lucie.

- Vous supposez bien. Moi je ne sais pas qui vous êtes, en revanche je sais ce que vous êtes : des géneuses. Si vous connaissez Stewart, vous devez vraiment en savoir long.

Lucie s'avança vers lui.

- Je suis la seule à connaitre le lieutenant Stewart. Les autres ne savent rien.

Miguel Vasquez la jaugea et regarda tout le petit monde entassé dans la chambre 114.

- Je n'ai pas le choix.

Il prit quelque chose dans sa veste. C'était un revolver, qu'il pointa sur Jessie. Il tira. En entendant la détonation, Angel se remémora soudainement la mort d'Holly. C'était la même scène et le même homme qui tirait. Elle ferma les yeux, s'attendant à ressentir la même douleur. Elle ne ressentit rien. Elle tomba en arrière, poussée par quelque chose. Elle ouvrit les yeux. C'était Lucie. Lucie s'était interposée. Elle était éffondrée sur Jess, l'abdomen maculé de sang.

Avant que Vasquez ne réitère son geste, Tania s'était jeté sur lui. Il ne s'attendait pas du tout à voir cette femme qu'il avait toujours cru dominer l'attaquer. Elle le désarma facilement et lui abattit la crosse du revolver sur le crâne. Vasquez s'écroula. Tania se releva. Jess soutenait la tête de Lucie. Lauren était agenouillée à coté.

- Oh non, fit-elle à la vue de la blessure. Je vais appeler une ambulance.

Lauren lui lança son portable. Jessie pleurait.

- C'est rien du tout, tenta de la rassurer Lucie.

Sa voix était faible. Le sang se répandait sur la moquette.

- Accroche toi, l'encouragea Jess.

- T'inquiète pas.

Lauren regardait la scène impuissante. Tania avait prévenu les urgences et était descendu les attendre. L'hopital n'était pas loin, les secours ne mettraient pas plus de deux minutes pour débarquer. Pourtant c'était déjà trop.

- Jess, murmurrait Lucie difficilement, je ne vais pas te réciter mes dernières volontés tout va bien. Arrête de pleurer s'il te plait.

- D'accord. Tu as raison, tout va bien.

Le décor autour de Lucie devint flou, puis il disparut. Mais elle entendait toujours Jessie lui parler. Puis une sirène parvint à ses oreilles. Ca devait être une ambulance, ou peut-être une voiture de police. Celle d'Holly ? Non, Holly était morte. Elle avait de plus en plus de mal à distinguer le réel de l'imaginaire.

Jessie serrait sa meilleure amie dans ses bras. Elle ne pleurait plus. Elle sentait le pouls de Lucie. Elle savait qu'elle vivrait. Vasquez gisait toujours sur le sol, assomé. La porte de la chambre s'ouvrit et Tania entra suivit par deux ambulanciers. Ils lui prirent Lucie pour l'installer sur une civière. Ils se donnaient des instructions respectives que Jess ne voulait pas entendre. D'ailleurs elle ne les entendait plus. C'en était trop. Ses jambes la lachèrent et elle s'affaissa sur le sol. Elle ne pleurait toujours pas, mais une douleur très puissante la foudroyait.

- Jess, tiens le coup, ordonna Angel. Ca va aller, je te le promet.

Mais Jessie ne l'écoutait pas, la peur et la douleur étaient bien trop vivaces. Elle vit Lauren se précipiter auprès d'elle. Elle entendit l'ambulance s'éloigner, la sirène devenir de moins en moins audible. Lucie était partie.

- Jess ? appelait Lauren en la secouant doucement. Réveille toi Jess. Ouvre les yeux...

 

 

fin de l'épisode pilote
suite dans 1_01 : Rien que la vérité

 

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