S2 episode 3

Anges contre démons

 
Crossover
Earth Redemption / Malhal

Ecrit par Aca et Jade

 

AVERTISSEMENT : Cette histoire n’aura d’impact que sur la série Malhal. En effet, Earth Redemption est avant tout une websérie de science-fiction et la présence de vampires et autres sorcières n’y est tolérée que pour cet épisode.

 

 

Une détonation se fit entendre, puis une seconde.

Julie leva incrédule les yeux vers Janna. Celle-ci se trouvait debout, les yeux écarquillés. Elle baissa les yeux vers son thorax et constata la petite tâche rouge qui s’étendait sur sa veste blanche. Julie se leva et la rattrapa à temps avant qu’elle ne tombe.

« Mon dieu, non, pleura-t-elle.

- Et bien, on peut dire que cette fois ta mère a fait fort. Je savais bien qu’elle m’avait éloignée de Malhal pour se débarrasser de moi. Elle va te mettre ça sur le dos, tu peux en être certaine.

- Non, ce n’est pas possible ».

Julie pleurait à chaudes larmes. Elle regarda celle qui l’avait formée pendant si longtemps et s’essuya les yeux. Son teint commençait à pâlir. Elle tourna la tête vers l’origine de la détonation et vit un homme s’enfuir en courant.

 

 

24 heures avant

New York.

Elle avait vu et lu tellement de choses sur cette ville. Entre dépravation et beauté incontestable, le mélange était délicieux. Face à la mer, elle laissait le vent s'engouffrer dans son épaisse chevelure aux reflets dorés.

Avant tous les évènements, Julie avait toujours voulu venir ici. Mais Malhal avait mis un terme à ses rêves d'enfant de façon brutal et lui avait fait découvrir un monde sombre mais si alléchant. Le mal n'est qu'un point de vue quand on y réfléchit. Mais elle avait du fuir, la France n'était plus un pays sûr pour elle à présent. Et venir aux Etats-Unis n'avait pas été de tout repos. Si Malhal lui avait appris une chose, c'était que rien n'était impossible. Elle avait donc pris son courage à deux mains et s'était fait faire des faux papiers. Son visage était encore célèbre dans les bas fonds parisiens. Malhal et elle y avaient sévi un temps et sa simple vue faisait trembler les plus téméraires. Et c'était ainsi qu'elle avait atterri à New York. Les quelques 10 000 km qui la séparait de Kayla et Malhal semblaient suffisants. Mais maintenant qu'allait-elle faire? Là se situait tout le problème.

 

 

Diana sortit de la petite boutique colorée, un large sourire traversant son visage. Comme elle avait bien fait de jouer à la Baby Sitter avec Grace, la fille de ses voisins. Cette petite teigne lui en avait fait baver pendant près de 4 heures où elle avait du s’en occuper mais cela avait finalement valu le coup. La torture avait été troquée contre une magnifique robe, légère et ce qu’il fallait de sexy pour faire tourner la tête à Lauren. Malgré toutes les épreuves qu’elles traversaient, le moral devait rester au beau fixe pour les deux jeunes femmes.

Elle marchait tranquillement sur la grande avenue surplombée de buildings, laissant aller ses pensées à leurs fantaisies. Même en ayant Central Park, comment vivre éternellement dans cet environnement bétonné, ces grandes bâtisses osant interférer avec le soleil lui-même, empêchant ses rayons de s’abattre sur le sol. Diana rêvait d’une vie au vert, sa femme à ses côtés, une ribambelle de marmots riant sous le porche d’une maison qui n’aurait pas sa jumelle quelques mètres plus loin. La vie, la vraie… Elle sourit à cette idée babacoolesque et ne vit pas l’obstacle qui lui fonçait dessus. L’impact ne put être évité et elle heurta violemment l’épaule d’une jeune femme qui tomba en arrière. Elle-même sembla très surprise par l’impact.

« I’m sorry, are you alright ? », s’empressa de demander Diana en s’agenouillant près de sa victime. Celle-ci poussa une mèche de ses cheveux dorés et regarda la jeune femme qui était à l’origine du choc.

«Don’t worry, it’s OK, I was out of my mind, se contenta de répondre l’inconnue.

Diana esquissa un sourire en reconnaissant le typique accent français, très prononcé chez sa nouvelle amie.

« Je suis désolée, puis-je vous offrir un café ? dit la jeune New Yorkaise dans la langue de Molière.

- Très volontiers », répondit simplement l’étrangère.

Elles s’installèrent donc ensemble à une petite table au Starbuck Coffee qui faisait l’angle de la rue. Diana n’avait jamais vu quelqu’un comme ça. On ne lui avait pas menti sur la beauté des européennes, même si sa jeune amie avait de toutes évidences des origines métisses. Elle avait de longs cheveux décolorés tombant en cascade sur ses frêles épaules. Elle avait dans son regard un reflet étrange, celui que possèdent les personnes ayant vécu des drames.

« I didn’t even introduce myself : my name’s Diana

- Enchantée, I’m Julie. I am sorry, I didn’t look where I was going!

- It doesn’t matter, le mal est réparé. So tell me, what brings you to New York City ?

- Business, s’empressa de dire Julie. I’m … a singer » enchaîna-t-elle aussi sec.

Julie n’arrivait pas à se concentrer. Cette fille la regardait avec tellement de sincérité et de bonté que son cœur allait chavirer. Elle n’avait pas été regardée comme ça, avec les yeux de l’innocence, depuis si longtemps…

« You seem to be lost, disorientated, dit soudain Diana, coupant Julie dans ses pensées.

- Oh… well actually I’m a little bit lost down here. I don’t know anyone and…

- Don’t worry, la coupa Diana. You already have a place to stay tonight right?

- Honestly… I don’t, répondit Julie, penaude.

- That’s set, you’ll stay with me tonight, répondit Diana dans un sourire. Let’s move».

 

 

Dans ses quartiers de Manhattan, Georges Kartheiser se prélassait devant un excellent martini blanc, surmonté de sa jeune olive. Les marchés financiers pouvaient bien attendre quelques heures. Même s’ils avaient fait sa fortune, à quoi pouvait servir sa vie s’il ne passait pas un peu de temps à la dilapider en petits plaisirs personnels et parfaitement égoïstes.

Mais son moment de quiétude allait bientôt être interrompu par un coup de fil inattendu. La sonnerie stridente résonnait dans tout l’appartement qui bien entendu était immense.

« Hold on a second, I’m coming, I’m coming ».

Il se rendit nonchalamment jusqu’au petit corridor d’entrée, dans lequel se trouvait le petit téléphone à touches en bois d’ébène. Il posa son verre et décrocha.

« You'd better have something important to say.

- Je le pense en effet », répondit la voix au bout du téléphone

Le sang de Georges ne fit qu’un tour. Il se retint de tomber et se rattrapa sur la petite table. Dans sa demi chute, il fit voler en éclat le petit verre rempli de Martini blanc.

« Je constate que je vous fais toujours autant d’effet M. Kartheiser, reprit la voix féminine, avec un soupçon de fantaisie.

- Madame Derekja… je… heu… je ne m’attendais pas à votre coup de fil, répondit-il en bredouillant avec un fort accent américain. Que me vaut la joie de votre appel ?

- Allons allons, comme si j’avais besoin d’une raison pour vous appeler mon cher Georges. Puis-je vous appeler Georges à propos ?

- Je vous en prie, faites donc, répondit-il sur la défensive.

- Bon ces formalités sociales étant à présent réglées, je voudrais solliciter votre aide.

- A quel sujet ?

- Au sujet d’une fille, en l’occurrence ma fille, qui se trouve actuellement dans la belle ville de New York. Je souhaiterais plus que vivement la retrouver.

- Très bien. Et de quelle manière puis-je vous aider ?

- Je vais vous envoyer une personne de confiance, vous devrez la traiter comme s’il s’était agit de moi, me comprenez-vous M. Kartheiser. Pour cela, vous mettrez à sa disposition tous les fonds nécessaires.

- Mais…

- Un problème M. Kartheiser ? demanda-t-elle d’une façon tellement rhétorique qu’il n’y avait aucune équivoque sur la réponse attendue.

- Non Madame, il en sera fait comme vous le désirez, abdiqua-t-il.

- Bien. Elle est déjà en route. Elle devrait arriver par le premier avion demain matin. Je vous serais gré de bien vouloir l’accueillir à l’aéroport.

- Entendu Madame, dit-il, résigné.

- Bien merci beaucoup M. Kartheiser, nos conversations sont un plaisir sans cesse renouvelé. A propos, ramassez tout ce verre qui jonche votre sol, il ne faudrait pas que vous vous blessiez ! Au revoir mon brave Georges ».

Et ce fut tout, la voix au bout du téléphone avait disparu. Georges resta un instant interdit, prostré sur place et jeta un coup d’œil au verre brisé ainsi qu’à la flaque de Martini qui tâchait son petit tapis oriental. Comment avait-elle su ?

 

 

« Welcome home ! Actually my girlfriend’s and I home since I got back my parent’s lease.».

Elle était donc lesbienne, mais en couple. Tant pis pour Julie, elle avait trouvé cette jeune fille charitable particulièrement séduisante. Pourquoi s’entichait-elle toujours de filles impossibles à avoir : une hétéro foudroyée par la mort, un démon millénaire, et maintenant une superbe fille en couple. La vie semblait se jouer d’elle et elle n’aimait pas ça outre mesure.

« Diana, can I ask you something ? dit-elle soudain.

- Sure, go ahead. What’s going on? répondit Diana.

- Don’t you think your girlfriend will be a little bit upset finding a perfect stranger in her flat?

- Of course not, répondit-elle immédiatement, she’s really nice, you’ll love her, I’m positive. Besides, this is not her home but ours.

- Ok, if you say so…”.

Julie n’était pas persuadée que l’argument de son hôtesse tenait la route. Si elle avait eu une petite amie comme Diana, la moindre intrusion d’une jeune fille étrangère l’aurait beaucoup dérangée ! Mais bon, avait-elle vraiment d’autre choix ?

De toutes façons, elle allait être fixée très rapidement puisque le bruit d’une clef se fit entendre dans la serrure du petit appartement. La « girlfriend » était rentrée…

 


C'était une jolie blonde au visage paisible et pourtant joyeux tout à la fois. Elle était grande, physiquement Julie l'aurait décrite comme solide mais quelque chose dans son regard lui donnait une aura de fragilité.

Tout simplement craquante en somme.

- Hi honey, l'accueillit Diana en allant l'embrasser. How did it go ?

- Fine actually, Tam is a really good teacher, she...

Sa petite amie leva la main pour la faire taire et le plus discrètement possible, désigna une silhouette humaine debout derrière elle.

- Oh ! comprit Lauren.

Elle ne se souvenait pas avoir déjà vu cette jeune fille quelque part et se demanda s'il s'agissait d'une amie de Diana.

- This is Julie. She’s french... she’ll stay here tonight.

- No problem, répondit Lauren en haussant les épaules.

Elle adressa un petit sourire à la nouvelle venue mais lorsque celle-ci le lui rendit, une sensation de malaise s'empara de tout son corps. Elle tenta de l'ignorer et d'engager la conversation avec la jeune française.

- Well, Julie, how long have you known Diana? How did you two meet?

- For... a couple of hours actually. I hit Diana - oh, it was an accident- then she payed me a coffee and...

- And she invited you here... termina Lauren, la voix soudainement atone.

Son mal être ne disparaissait pas. Quelque chose dans l'âme de cette fille lui semblait... abîmé. Noirci. Elle se tourna vers sa petite amie :

- Can I talk to you for a second ?

- Sure !
 

Elle entraîna alors Diana dans leur chambre et lança un sourire d'excuse à Julie avant de refermer la porte.

- What’s wrong ? s'enquit la brune.

- Nothing. Actually…there’s something wrong ! You bring here a very important friend you know for… a couple of hours, is that right?

Le cynisme n'était pas monnaie courante dans le langage de Lauren. Diana comprit qu'elle était vraiment contrariée.

- Listen, she’s all alone in the big city, and it’s very dangerous, isn’t it ? This is only for one single night.

Lauren se mordit la lèvre inférieure, comme chaque fois qu'elle était tendue.

- Diana, it’s not as if you were bringing here a lost dog found I don’t know where in the street. Who knows who that girl really is ?

- Why wouldn’t she be a really nice one ?

- Excuse me for being upset, but that’s true after all, you just bring here perfect strangers without even thinking for a second about asking me my opinion!

- She seemed so lost… you sure would have done the same.

- Diana, do you even know her last name ?

La jeune fille baissa les yeux un instant.

- Okay, maybe I’ve been acting without thinking.

- And that’s exactly what’s upseting me ! I love you being spontanious, that’s something I like about you but there’re lines you can’t cross!

Ce fut au tour de Diana de dévisager sa compagne avec un air intrigué.

- There is something else, right ? You’re always the first to help people, whether you know them or not, it doesn’t matter to you, and that’s also somthing I love about you. And now… I don’t know, I don’t recognize you. What’s wrong?

Elle s'interrompit d'elle même et un éclair passa dans ses yeux.

- You’re not jealous, aren’t you ?

Lauren lui prit la main et la fit s'asseoir avant de faire de même

- I’m not, Diana, I’m just scared. With Cassandre having eyes and ears everywhere, this guy from the Dôme appearing, and what’s going on with me…I’m scared all the time and seeing you bringing this girl here...I felt something really strange about her.

Oh ! C'était donc ça... Diana ne s'était pas encore totalement faite à l'idée que sa petite amie ait acquit de nouvelles... facultés. Elle passa la main dans les cheveux emmêlés de Lauren pour l'apaiser.

- What exactly did you feel? Do you think she may be dangerous?

- I don’t know…she seems so scared. As if there was something after her.

- Then maybe we should help her, shouldn’t we?

Lauren secoua la tête.

- Maybe but…something doesn’t fit, as if she was... herself but apart from herself, I don’t know if you see what I mean?

- Actually… I don’t.

- What I’m feeling about her… it’s close to what I can feel about Lucie now that Cassandre is in her body.

Le regard déterminé, Diana acquiesça.

- Then maybe it’s not a coincidence if this girl crossed my way. Listen, we will be very careful, right? But remember you don’t really control your new... capabilities, and maybe it comes from the fact you just left Lucie. Maybe we shouldn’t treat this girl as an enemy.

Vaincue, Lauren hocha la tête.

- I’ll try. But I’m gonna keep an eye on her.

- As long as I remain the one you prefer looking at.

Pour toute réponse, un oreiller vint s'écraser sur son visage.

 

 

C’était insensé les progrès de la technologie ! C’était pour elle la première fois qu’elle prenait l’avion. Elle se rappelait encore de la fin du XIXème siècle ou les hommes rêvaient de pouvoir voler, à en faire des paris insensé en créant des objets toujours plus farfelus et qui immanquablement s’écrasait au sol avant même de connaître le frisson des airs. Remarquez, certains parvenaient à faire quelques mètres, se prenant l’espace de quelques secondes pour un rapace fondant sur sa proie. Mais le résultat était toujours le même.

Janna s’assit sur le siège qui lui était destiné, un grand espace lui étant laissé pour allonger ses jambes. Elle posa sa tête contre l’appui et inspira une grande bouffée d’air. La perte de ses pouvoirs avait créé en elle une certaine appréhension quant à la prise de risque. Cependant, Kayla semblait confiante et lui avait donné pour mission de retrouver la belle fugitive. Elle ne put s’empêcher de ressentir un petit pincement au cœur en pensant à l’ancien hôte de Malhal. Elle n’avait jamais ressenti de sentiments aussi forts pour aucune des précédentes, à l’exception de ce bref coït avec l’unique garçon à avoir été l’Hôte de Malhal.

« Mademoiselle, désirez-vous quelque chose à boire ? » s’enquit la charmante hôtesse de l’air au sourire des plus avenants.

Janna se dit que tant qu’à être en première classe, il fallait voir les choses en grand. Les capitaux de sa patronne semblaient particulièrement important, alors pourquoi se priver. Janna se demandait d’ailleurs bien d’où cette manne financière pouvait venir. Kayla n’était revenue à la vie que depuis quelques mois à peine.

« Une coupe de champagne sera parfaite, merci, répondit-elle sur un ton enjoué qui l’étonna elle même.

- Très bien mademoiselle ».

Le fait était que la perte de ses pouvoirs avait eu un effet des plus inattendu. En effet, la mission qui lui incombait jusqu’à présent était révolue. Aucun nouvel hôte n’allait prendre la suite de Gabrielle. Elle serait la dernière. Mais s’il y avait une chose pour laquelle Janna n’était pas dupe c’était l’intérêt prononcé que Kayla portait à sa fille. Il y avait dans ce lien filial retrouvé une chose qui n’était pas naturelle, et Janna comptait bien ne pas être le dindon de la farce. Elle allait trouver de quoi tout ceci retournait. C’était sans doute pour cela qu’elle l’avait envoyée si loin, pour l’empêcher de poser des questions trop gênantes.

Mais Janna fut tirée de sa rêverie par la petite sonnerie stridente qui signalait le décollage de l’appareil. Le pilote, un homme du nom de Paul, allait les conduire jusque New York. Elle reprit une grande inspiration et ne put se retenir de fermer les yeux lorsque l’avion prit son accélération et décolla avec un bruit démentiel. Dieu qu’elle regrettait ses pouvoirs…

 

 

Eve était désorientée. Ses nuits étaient peuplées de réminiscences de Jessie et Angel. Elle se réveillait en sueur, la dualité de son esprit la torturant. Depuis le rêve dans le parc, pourtant le moment le plus apaisant de sa courte existence, elle ne parvenait plus à trouver un refuge dans le sommeil. Comme si elle avait laissait toute la paix de son esprit avec ses deux mères, près de la balançoire.

La nuit était déjà bien avancée, à ce qu’elle constata en regardant par la fenêtre. Un rapide coup d’œil à son réveil lui confirma son idée lorsqu’elle observa 03:47 inscrit en vert sur l’horloge digitale.

Elle se leva et voulut se servir un jus d’orange quand un spasme douloureux la prit. Tout autour d’elle se mit à tourner comme dans un manège dont les commandes seraient devenues folles. Elle bascula sur le sol, sa tête étant sur le point d’exploser. Et lorsqu’elle ferma les yeux, les images arrivèrent.

Une phase. Sa première phase.

Jamais elles n’avaient été aussi violentes pour Jessie et Angel. Un flot de couleur pourpre embrouilla sa vision. Du sang. Des flashs. La douleur. Seigneur elle était si forte. Un combat. Le désir. Une femme aux traits asiatiques apparut l’espace d’un instant. Un rayon bleu traversa son champ de vision. Le sang. Le bruit. Ce bourdonnement lui martelait le crâne. Des crocs. On la mordait. La douleur dans son cou fut à ce point insoutenable qu’elle eut l’impression de saigner.

Et puis plus rien.

Le silence. Un silence de mort.

Enfin une image apparut, détachée des autres.

Une seule.

Diana.


07:12

Arf, c’était bien trop tôt pour moi. Le soleil avait filtré à travers les maudits rideaux. Je maudissait ces pendrions qui semblaient avoir été inventés pour systématiquement me faire chier, il fallait l’avouer.

Je me redressai sur mon derrière sur le petit sofa qui m’avait servi de lit cette nuit. Une petite voix enjouée finit de me tirer de cette torpeur post-somatique. Diana se tenait debout, en plein milieu du salon, un petit plateau à la main.

« I hope you’re hungry, because I made breakfast! »

On m’avait décidément menti sur les américains. Ils étaient vraiment adorables. Restait que je n’avais pas encore rencontré les autres millions d’amerloques en surpoids et munis d’une arme qui peuplait ce charmant pays fédéral.

“Thank you so much, but you shouldn’t have! I guess I’ve got to eat it now”, répondit-je dans un sourire. Cette fille était réellement un ange et je n’allais certainement pas jouer ma rustre française.

Jusque là mon niveau d’anglais me surprit. J’arrivais à comprendre mon hôtesse mais également à me faire comprendre, ce qui en temps normal et ce même en français était mission quasi impossible ! Enfin tout semblait se passer pour le mieux.

Nous nous installâmes donc toutes les deux sur la petite table du séjour et nous discutions de tout et de rien quand Lauren fit son apparition. Vue la scène qu’elle avait du faire à Diana la veille, je me doutais bien qu’elle ne me portait pas particulièrement dans son cœur. Je me fis donc la plus petite possible et lança un « Hello » des plus amicaux à l’endroit de la colocataire et amante de Diana. Elle me répondit d’un petit grognement plutôt gentil à vrai dire et se dirigea dans la cuisine pour se saisir d’une tasse.

Elle nous rejoignit donc et commença à me questionner.

« So Julie, what are you doing in the USA ?

- Hhm, I’m here to sing. I left France because of my family. Anyway, you can imagine…

- No please, explain me, répondit-elle sur un ton... visiblement intrigué.

J'avais le sentiment qu'elle cherchait à m'extirper un secret. C'était étrange

- Lauren…please, intervint doucement Diana et je l’aimais d’autant plus pour cela.

Tout cela finissait par être réellement gênant. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises à vrai dire. Mais alors que Lauren et Diana s’étaient mises à discuter de leurs projets en matière de décoration de leur appartement (du moins c’est ce que je crus comprendre), la porte de l’entrée vola en éclat dans un fracas épouvantable, arrachant de façon synchronisée un cri commun de notre part à toutes les trois.

Une forme passa à travers la forme. Une fille blonde, qui me rappela de façon étrange Buffy dans certains épisodes de la série éponyme, se tenait dans notre champ de vision. Je vous laisse imaginer l’image que nous donnions, moi tenant ma tartine de nutella, Lauren sa tasse près de la bouche et Diana se servant du jus d’orange. Toutes trois nous la regardions comme si Dieu en personne avait passé la porte (bien que Dieu ne soit ni blond, ni aussi sexy, il fallait l’avouer).

« Jess… I mean Eve, what are you doing? commença Diana

- Diana, are you alright, I saw you in my dreams, you were in danger and…”

A mesure que l’étrange créature débitait son flot de parole, je commençais à me poser d’étranges questions. Comment cette fille d’1m65 bien tassés avait pu faire subir à cette porte new-yorkaise blindée un châtiment aussi impitoyable. Les seules personnes que je savais capables de faire une chose pareille se trouvaient sur le vieux continent.

Je ne tardai cependant pas à comprendre de quoi il s’agissait.

Elle m’avait retrouvée, Kayla m’avait retrouvée. Et cette fille, à en juger par sa force ne pouvait qu’être une goule.

Sans que personne ne le remarque, je glissai lentement ma main sur la table et empoigna le petit couteau qui une seconde plus tôt m’avait servi à couper une tranche de ce fabuleux pain. Ma seconde main passa sous la table. Et sans que personne ne s’y attende, je la soulevai violemment pour la renverser. J’en fis rapidement le tour et me posta derrière Diana, le couteau idéalement placé sous sa gorge. Cette dernière poussa un petit cri de surprise.

« N’avance pas où je lui tranche la gorge, tu m’as comprise ? »

Mon pari était risqué, une goule se fichait généralement bien du destin d’une simple humaine. Surtout que je m’en voulais de m’en prendre à la seule personne qui m’avait aidée depuis de nombreuses années.

« Julie what are you doing, are you out of your mind? dit en tremblant Diana.

- Lâche-là, me lança celle qui semblait s’appeler Eve.

- Bien je constate que tu parles la langue de Molière, ce qui confirme ma déduction précédente. Lauren, if you make one more step, I kill her, do you hear me ? »

Lauren se figea à un mètre derrière moi. Je la sentais bouillir de rage dans mon dos.

« Eve, please do something, dit-elle un soupçon de pleurs dans la voix.

- Si j’étais toi je ne ferais rien de tel. Quels que soient tes pouvoirs, les utiliser ne ferait qu’aggraver le cas de ton amie.

- Qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-elle, diplomate, apparemment surprise de si bien maîtriser ma langue.

- Laisse moi quitter cet appartement et il n’y aura pas de casse. Tu retrouveras ton amie entière.

- Jamais de la vie. On ne peut pas se fier à des gens comme toi. Laisse la partir et je te promets de te laisser quitter cet appartement en vie.

- Pour ensuite me livrer à Kayla, c’est bien ça ? Tu me crois stupide à ce point ?

- Kayla ? Mais de quoi… »

Je ne lui laissai pas le temps de poursuivre. Je levai ma main libre et prononça deux mots en langue hébraïque. L’effet fut instantané puisque Eve sembla se figer. Elle porta la main à sa gorge et suffoqua. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour qu’elle s’écroule au sol, inconsciente. Je me retournai et fit subir à Lauren le même sort. Diana hurla mais d’un coup bien placé je l’assommai. Elle serait mon seul salut et je décidai donc de l’emmener avec moi.

Je la pris donc par le bras que je plaçai autour de mon épaule et me dirigeai vers l’ascenseur. Arrivé en bas de l’immeuble, je hélai un taxi.

« My friend is a little bit drunk. Don’t worry ».

Et c’est ainsi que nous filâmes toutes les deux vers Central Park.

 

 

Ce fut avec une joie non dissimulée que Janna passa la dernière porte qui l’amenait à l’air libre. Elle prit un bon bol d’air frais issu de la climatisation, comme pour effacer le souvenir traumatisant de ce voyage aller. Certes, cela avait été rapide, ponctué de films de série B et de coupes de champagne, son constat était identique : l’avion n’était pas fait pour elle. C’était décidé, elle rentrerait à la nage !

Elle arriva donc dans le hall où les locaux accueillaient les voyageurs. Elle chercha du regard un certain Georges qui était censé la guider dans les rues de New York mais ne vit rien. Aucune pancarte « Janna Ishii » ne semblait trôner au milieu des « John Doe », « Emilie Dujardin » ou autre « Jeanne Charpentier ». Elle décida donc que le mieux était encore de sortir sur l’aire des taxis. Elle était, a priori, la seule femme asiatique à bord de cet avion, si Georges était un tant soit peu dégourdi, il la retrouverait sans mal. Soit dit en passant, il s’agissait d’un humain et les humains pouvaient être si stupides. Evolueraient-ils un jour ?

Alors qu’elle s’apprêtait à passer la porte tournante, une voix retentit derrière elle, une voix qu’elle n’avait pas entendue depuis plus de deux siècles.

« On ne dit plus bonjour à ses fidèles serviteurs ? »

Janna se retourna donc pour faire face à la femme qui la prenait à partie. Elle n’avait pas changé. Un visage fin et pâle, surmonté de deux perles d’un bleu profond. Un visage qui pouvait tour à tour paraître angélique et démoniaque.

« Bonjour Nyrthi, se contenta de dire Janna.

- Je suis ravie de constater que tu ne m’as pas oublié. Remarque comment aurais-tu pu ? Après tout ce que nous avons vécu ensemble.

- Oui, je me souviens. Prague, à la recherche de l’Hôte. Quelle époque… soupira Janna. Mais je présume que tu ne me rends pas une visite de courtoisie. Viens-en au fait veux-tu.

- Toi non plus tu n’as pas changée, toujours aussi directe. Figure-toi que la rumeur parlait de ta venue en ville. Je me suis dit que je n’allais pas laisser un humain accomplir la tâche de t’accueillir. Suis-moi, notre voiture nous attends ».

Janna était réellement surprise de trouver sa création ici. Aux dernières nouvelles, celle-ci avait été tuée au milieu du XIXème siècle par un anquira bien peu disposé à son égard. La vie réservait toujours des surprises.

Elles arrivèrent devant une superbe limousine noire avec vitres teintées. Nyrthi lui ouvrit la porte et Janna s’engouffra dans le véhicule. A peine entrée, elle trouva le corps d’un homme exsangue, étendu sur la banquette qui collait la vitre conducteur.

« Georges je présume, dit Janna avec un sourire de reproche à Nyrthi.

- Lui même. Ces nouveaux riches ont un goût détestable. La noblesse me manque à un point que tu ne peux soupçonner ma chère, répondit-elle en riant aux éclats, arrivant même à dérider Janna qui ne put réprimer un léger éclat de rire.

- Et le chauffeur ? Si tu ne le sais pas encore, je ne sais pas conduire ces engins ridicules, je n’en ai jamais eu l’utilité.

- Tu me prends réellement pour une amatrice. Rappelle-toi qui m’a formée ».

Et alors qu’elle prononçait ces mots, la vitre conducteur se baissa pour laisser apparaître un visage que Janna reconnut.

« Ca alors, Hector ? s’étonna Janna. Toi aussi tu es là !

- Et oui maîtresse. Vous nous avez énormément manqué ».

Janna sourit en se remémorant les souvenirs de sa vie passée. Hector était un adolescent qu’elle avait trouvé dans une tranchée de la première guerre mondiale. Il ne devait avoir plus de dix-sept ans lorsqu’elle l’avait trouvé.

« Bon, après tout ça, je présume donc que vous ne travaillez pas pour Kayla ? risqua-t-elle.

- En effet, tu as raison. Nous sommes ici car toute notre race a ressenti ce qui t’est arrivé. Ta perte de pouvoir. Cela nous a été intolérable. Les plus jeunes, pour la plupart, en sont morts, car ils puisaient leur énergie en toi. Ceux que tu as créés puissants, comme Hector ou moi-même, ont survécu sans trop de dommages.

- Je n’en savais rien. L’une des goules que j’ai créée l’an passé a survécu.

- Luc, c’est bien ça ? Tu as donné à ce garçon bien trop de pouvoir, tu le sais. Même moi il m’effraie.

- Et donc, pourquoi cette entrevue ? relança Janna

- Pour te rendre tes pouvoirs. Nous sommes ici pour te proposer de te retransformer en l’une des nôtres ».

Janna accusa le coup, elle n’avait pas vu venir cette éventualité. Elle qui se faisait doucement à sa soudaine mortalité, avait-elle réellement le désir de retourner vers les ombres?

« Je ne sais pas trop quoi répondre. Si tu le permets, je souhaiterais y réfléchir.

- Très bien c’est toi qui décides.

- Maintenant, j’aurais besoin de ton aide, Kayla m’a chargée de retrouver Julie, le dernier Hôte vivant de Malhal.

- Cette Kayla ne m’inspire pas confiance. Je la soupçonne même d’être à l’origine de ta perte de pouvoir.

- Nous débattrons du sujet « Kayla » un autre jour veux-tu. Je suis encore sous l’emprise de cet avion de malheur. Dieu que l’humanité est un fardeau lourd à porter ! »

Janna et ses deux créations éclatèrent de rire pour la seconde fois. Elle ne savait pourquoi, mais elle aimait déjà cette ville. Elle semblait retrouver une insouciance perdue depuis si longtemps…

 

 

Diana ouvrit doucement les yeux. Sa vue était encore trouble et une douleur la lançait à l’arrière de son crâne. Elle ne savait trop pourquoi mais la couleur verte semblait prédominer dans le décor. Peu à peu sa vue lui revint et elle comprit. Elle se trouvait au cœur de Central Park, mais dans un endroit visiblement à l’écart.

Elle voulut bouger mais sentit que des liens l’entravaient. Ses mains étaient nouées à l’aide d’un lacet. Elle voulut parler mais ne le put, un bâillon enfoncé dans son gosier. Elle leva les yeux et reconnut Julie.

« Ca y est, tu reviens à toi ! C’est pas trop tôt. Tu vas peut-être pouvoir m’expliquer tout ce cirque. Qu’est-ce qu’une goule faisait chez toi et surtout pourquoi semblait-elle te connaître ?

- Mmmh mmh mmh

- Ah oui, j’oubliais le bâillon. Si je te l’enlève, me jures-tu de ne pas crier ? »

Diana, après un instant d’hésitation hocha la tête. Julie s’agenouilla et la libéra de sa muselière.

- Sorry, I didn’t understand a single thing but I suppose you were talking about that thing in my mouth, dit-elle presque en s’excusant.

- Right, dit Julie en ne pouvant s’empêcher de réprimer un sourire.

- Now, are you going to explain to me what this is all about ?

- Don't you dare tell me you don't know! Who is Eve? Is she after me?

- What? She don’t even know you! It’s ridiculous, répondit Diana.

- OK, so do you have an explanation for her strength? She’s one of them, I know that.

- You know about the Daerens?! s’étonna Diana.

- About what? What is a Daeren? s’enquit Julie de plus en plus perdue.

Diana sembla prendre un moment de reflexion. Pourquoi cette fille avait réagi de façon aussi violente.

- Right, I’m starting to get the point. There was a misunderstood I guess. She was in my flat because she thought I was in danger, and I’m starting to believe it too!

- So you’re trying to tell me that she isn’t a goule!

- A what?

- A sort of vampire, expliqua Julie.

- A sort of…”

Diana ne put terminer sa phrase car elle partit d’un bruyant fou rire.

« Eve… a vampire… I think you’re reading too much Julie. Eve isn’t evil. Furthermore, she’s the nicer person I’ve ever met. You couldn’t imagine how many people she saved… I mean before…

- Before what?

Diana commençait à sentir qu’elle en avait trop dit. Il ne fallait pas compromettre Eve en mettant cette fille aux pouvoirs étranges au courant. Qui pouvait savoir si le Dôme n’était pas derrière tout ça encore une fois. Elle faisait confiance à Lauren et commençait à s’en vouloir de ne pas l’avoir écoutée plus tôt.

- Who are you ? commença Diana, tentant de gagner du temps. Did you plan raping me when we first met?

- What... NO, répondit Julie sur la défensive. Mais pourquoi ces américains ne parlent pas français, ce serait tellement plus simple, se dit-elle à elle-même. Diana, I’m sorry for what I’m about to do.

- What... Julie what do you mea...

Mais Diana ne put terminer sa phrase car les mots restèrent coincés dans sa gorge. Elle leva les yeux vers celle en qui elle avait cru quelques heures auparavant pour constater un changement dans ses yeux. Elle ne comprenait pas mais sentait comme une intrusion dans sa tête.

- Now Diana, listen to me very carefully. I want you to tell me everything about Eve.

- But...

- REVEAL! cria Julie.

Et les mots sortirent de sa bouche sans qu’elle puisse y faire quoi que ce soit.

- Before being Eve, she was two persons in the same time. Jessie and Angel. Angel is… I mean was, an alien, a Daeren, that came into Jessie, her host. But for some time now, Jessie and Angel have melt and the result is… Eve”.

Julie considéra son otage avec circonspection. La prenait-elle pour une imbécile? Si on remplaçait Jessie par Julie et Angel par Malhal, l’histoire aurait pu coller. Encore un de ces remakes à l’américaine, se surprit-elle à penser.

Mais Diana ne pouvait mentir, le sortilège était trop puissant. Peut-être que cet Eve était ce que Malhal et elle avaient été après la fusion. Julie regarda Diana et eut un petit pincement au cœur en la voyant ainsi ficelée.

- I’m sorry Diana, dit Julie en libérant Diana de ses entraves physiques et mentales.

- Who the hell are you ? demanda Diana, une pincée d’horreur dans les yeux.

- I can’t explain this to you now, I’m really sorry. I’m so sorry for everything. But there are many people after me, and I don’t know who to trust...

- I don’t know Julie... you’re acting very strange. I ... répondit Diana sonnée

- Please, led me to your friend Eve, maybe she could help me...

 

 

            - N'as-tu toujours pas confiance en moi, Julie ?

Elles étaient deux, face à face, identiques et pourtant, si différentes si l'on en jugeait par leurs deux regards entremêlés. Cela rappela à Eve le jour où Angel et Jess s'étaient dédoublées, et elle en fut profondément troublée.

- Je ne sais plus trop quoi croire. Pourquoi te ferais-je confiance ?

Son double avança d'un pas.

- Julie, écoute-moi…Nous avons partagé le même corps pendant plus d'un an. Je pensais que nous avions appris à nous connaître toutes les deux. Regarde-moi bien dans les yeux et dis-moi que tu ne me fais pas confiance.

- J'ai peur, est-ce que tu peux le comprendre ?

Les choses se précipitèrent. Celle qui n'était pas Julie s'était approchée de l'autre et l'avait soudainement mordue à la gorge. Eve voulut crier, intervenir, mais elle ne put qu'assister, impuissante, à ce qu'il semblait être la mort de la jeune fille. Un choc très violent les sépara toutes les deux. Eve reconnut sa voix dans les cris mêlés. Puis tout fut noir.

Chacune de ses terminaisons nerveuses semblait être à vif. Elle resta étendue quelques instants, attendant que la douleur se dissipe. Une sensation d'engourdissement lui fit place, et Eve se releva lentement. Son regard croisa alors celui de Lauren qui gisait près de la table basse, revenant elle aussi doucement à ses esprits.

Chancelant à travers le salon, Eve se pencha vers son amie.

- Are you okay ? fit-elle d'une voix éraillée.

Lauren laissa échapper un gémissement plaintif.

- I feel like I drank too much last night...

- Have you already been drunk before ? rétorqua l'autre en arquant un sourcil septique.

- Actually…no, admit la jeune fille en une grimace.

Eve lui tendit une main secourable et Lauren se releva péniblement. Avec des gestes lents et précautionneux, toutes deux prirent place sur le canapé. Alors seulement Lauren sembla se souvenir de ce qui s'était passé.

- Oh my god, she took Diana away.

Elle voulu se relever mais trop vite, et retomba assise tandis qu'Eve la saisissait par les épaules.

- Calm down, I don’t think she’s gonna hurt her.

- Do you actually « believe » that ?

- Right, I haven't really had time to learn to know her, ironisa la semi-humaine. Lauren, who is she ?

- I don’t know ! Diana met her yesterday, and of course she found it very natural to bring this girl here. The only thing I know about her is that… can I say ? Since the beginning I've felt there was something really weird about her.

- As if she was kind of ... broken?

- Right, that’s exactly what I felt. As if something very dark corrupted her soul... What makes you believe she won’t hurt Diana?

Eve eut une moue hésitante puis lâcha :

- I think I collect that… I mean I think she likes her.

Lauren lâcha un profond soupir, mêlant exaspération et fatigue. Néanmoins, les propos de son amie l'avaient quelque peu détendue. Elle-même n'avait-elle pas eu cette agaçante sensation que le courant passait trop bien entre Diana et la jolie folle qu'elle avait amenée à la maison ?

- Alright, now it’s time for you to give us some explanation. Why did you came, destroying our door like you did?

- Because I got a phase…

- It’s back then ?

- Lauren let me finish, fit Eve en esquissant un sourire.

- Excuse me.

- A phase about this girl I think.

- You saw her before ?

- I didn’t saw her before, I saw another woman, an asian one… But I felt something, and finally I saw Diana. The thing is I remembered everything only this morning, when I woke up. So I came straight here and… even before going through the first door, I recognize this dark feeling… I knew she was with you two. Sorry about the door, conclut-elle, l'air penaud.

La jeune fille fit un signe de la main pour signifier que ce n'était pas important.

- The boys will be very happy to fix it. For now, the most important is to find Diana.

Eve eut une grimace.

- I can’t locate her. I bounded my…access to your spirits, remember ?

- Then try to locate this Julie. Her “aura” should not be very discrete.

- You’re right..

Le regard d'Eve se fit alors très lointain, comme s'il portait au delà des murs, au delà même du monde physique. Elle demeura parfaitement immobile et silencieuse durant quelques secondes, puis ses yeux basculèrent de nouveau sur Lauren.

- So ?

- It’s very strange. You know, this dark trace in her...

- Yes ?

- I think there are many more in town.

 

 

 

Des millions d’interrogations hantaient mon esprit alors que je marchais en compagnie de Diana dans les rues de New York. Comment une telle chose était possible ? J’étais très au fait des activités « démoniaques » qui avaient lieu sur la planète bleue. Les vampires, les sorcières et autres monstres existaient, j’en avais été témoin à plusieurs reprises. Mais si les extraterrestres se mêlaient à la partie, cela pouvait commencer à devenir extrêmement compliqué ! Nous étions déjà bien assez nombreux. Mais la question qui me taraudait était la raison pour laquelle ces soi-disant aliens se trouvaient parmi nous.

Alors que nous marchions, Diana tentait de m’expliquer l’objectif visé par les Daerens. Ils seraient ici pour aider l’humanité à évoluer. Dans ces conditions, je leur souhaitais bonne chance car la tâche allait s’avérer ardue ! Nous autres étions une race des plus compliquées à faire évoluer. Mais s’ils croyaient pouvoir réussir, ils avaient ma bénédiction.

Diana semblait inquiète. Elle ne cessait visiblement de penser à Lauren et à l’état dans lequel je l’avais laissée. Je la rassurais en lui assurant que le sort que j’avais utilisé ne servait qu’à neutraliser et non à tuer. De plus, depuis que Malhal ne se trouvait plus en moi, les effets de mes soi-disant sorts se trouvaient amoindris. On ne se figure pas le pouvoir du sang.

Le sang chargé de pouvoir est une arme redoutable. Chacune de vos cellules entre en résonance avec votre esprit et vous prenez conscience combien votre potentiel de destruction est sous-utilisé. Je n’avais pas encore osé évoquer avec ma nouvelle amie-otage les évènements passés. Non que je les regrettais, il n’en restait pas moins que je n’en étais pas particulièrement fière. Cela avait beau avoir été un époque grandiose de ma courte existence, les marques indélébiles qu’elle a laissées sur mon âme et ma conscience étaient profonde. La culpabilité est une chose que Malhal parvenait aisément à effacer de votre esprit. Mais sans sa présence, les sentiments humains de base revenaient à la charge.

Alors que nous tournions à l’angle d’une des innombrables rues de New York, un spectacle inattendu s’offrit à moi. Je pris Diana par le bras et la tira à l’écart, nous dérobant au regard des passants. Elle tenta de protester mais je lui intimai le silence. Je lui montrai du doigt la luxueuse limousine noire qui venait de se garer devant un grand hôtel.

Deux femmes en sortirent. L’une m’était complètement inconnue mais je reconnus aisément la seconde. Sa beauté me frappa pour la énième fois. Son visage fin et son allure gracile, conjugués à sa grâce lors de chacun de ses pas, faisait d’elle une créature hors du temps et de l’espace. Diana me demanda de qui il s’agissait mais je ne pus répondre, les yeux toujours rivés sur l’apparition. Kayla m’avait donc bel et bien retrouvée. Et elle avait envoyé la seule personne qui me connaissait aussi bien au monde.

La limousine démarra et disparut au lointain, laissant Janna en compagnie de cette inconnue. Elles échangèrent quelques paroles que je ne pus capter d’aussi loin. Mais elles semblèrent se figer à un instant. Janna semblait ne pas comprendre mais l’inconnue tourna brutalement la tête dans notre direction.

Merde, elle nous avait repérées.

« Come on Diana, we have to run !

- But…

- Just trust me, you don’t want to cross their road”.

Nous nous étions alors mises à courir. Je ne savais pas vraiment où nous allions mais l’heure n’était pas à la réflexion. Je regardais par dessus mon épaule et vit que l’inconnue était sur nos pas. Je poussai alors Diana à  l’intérieur d’un petit magasin.

« Diana, listen carefully. Those women are trying to take me. Please find your friend. She may be the only person able to stop them.

- But how will we find you? Julie, I can’t let you...

- Just trust me, la coupai-je. Find Eve and tell her everything. I have to go. Thank you for everything”.

Je ne pus résister et lui déposa un baiser sur la joue. Je lui expliquai rapidement comment me retrouver, à l’aide d’un sort de localisation élémentaire. Je lui répétais trois fois pour qu’elle comprenne et prit congé.

Je sortis en trombe du magasin et tombai nez à nez avec Janna.

« Ma douce, comme tu m’as manquée… » dit-elle avec un sourire carnassier.

Je tentai le tout pour le tout et lui décochait une droite. A ma grande surprise, elle ne vit pas le coup arriver et s’effondra sur le sol. Je ne pris pas le temps de comprendre et reprit ma course effrénée.

Je n’eus pas fait vingt mètres que je m’écrasai contre une femme et m’écroula au sol. Celle-ci ne sembla même pas ébranlée par le choc. Je levai les yeux vers celle que je devinais être une goule. Elle me regarda avec un sourire amusé.

« Enchantée ma chère enfant. Mon nom est Nyrthi ».

A l’évocation de ce nom, je frémis.

J’étais morte.

 

 

Diana avait vu l'étrange femme aux yeux bleus et la jeune asiatique au regard ambre emmener Julie, mais toutes les trois avaient disparu avant même qu'elle n'ait pu franchir la porte du magasin. Les pensées se bousculaient dans sa tête tandis qu'elle courrait en direction de l'appartement. Encore une fois, elle récita mentalement les mots que lui avait appris la jeune fille. Elle n'arrivait pas vraiment à en vouloir à Julie, mais il n'en demeurait pas moins qu'elle l'effrayait. Et qu'elle s'en était prise à Lauren et Eve.

Lauren... Diana soupira intérieurement, à défaut d'assez de souffle. Elle allait avoir droit à un merveilleux "je te l'avais dit" à n'en pas douter. Un instant elle se demanda comment Julie avait pu avoir si facilement raison de la confiance qu'elle avait dans le jugement de Lauren. Restait que les choses n'étaient pas aussi simples... du moins le supposait-elle. Après tout sa mystérieuse sorcière française ne lui avait pas tellement donné d'explications...        

Sa course la mena, à bout de souffle, devant l'immeuble. Elle songea qu'elle n'avait pas ses clefs mais le problème ne se posa même pas : la serrure pourtant blindée de la porte était fracturée. Il est vrai qu'Eve n'avait pas pris la peine de sonner. Elle grimpa quatre à quatre les escaliers et franchit d'un pas hésitant ce qui restait de sa porte. Lauren et Eve, penchée sur la table, relevèrent la tête.

- Are you okay ?

Sans répondre, Lauren se leva pour la prendre dans ses bras.

- Next time you bring “a friend” home, I want her to be DNA tested and completely identified. grogna t-elle.

- Where is Julie ? demanda alors Eve.

- I don’t know but I have a way to locate her.

- That’s great because I can’t do it, répondit la jeune fille en désignant la carte de la ville étendue sur la table. When I try to locate her...

Elle échangea un regard avec Lauren.

- Shadow... I get more than one result. We were searching where she could have brought you in such a short time… only of course if time matters to her.

Elles avaient apposées des croix au marqueur noir sur divers emplacements du plan. Diana le saisit pour le poser sur le sol.

- What are you doing ? s'enquit Lauren.

- I feel like this won’t please you...

Elle se tourna vers Eve.

- I had to explain to Julie who you really was, I’m sorry, she forced me.

- Did she hurt you ? murmura Lauren.

- No she… it seems like she has similar power to yours Eve. She kind of penetrate my mind... and I told her everything.

Eve poussa un soupir.

- And who is SHE ?

- I don’t really know that… The only thing I know is that she needs our help.

- I beg you pardon ?

- She freed me, she didn’t want to hurt me… She thought Eve was…

Elle déglutit, anticipant la réaction des deux jeunes femmes.

- A vampire.

Lauren hocha lentement la tête.

- Right, then she is a young and very disturbed woman, who has cut links with reality, and whose connexion with the seventh level gave her some extrahuman capabilities… résuma t-elle d'un ton des plus sarcastiques.

- It sounds crazy to me too you know… Listen I don’t know if we should take this vampire thing seriously but she has very real enemies! Two women took her away and

- Was there an asian woman ? la coupa Eve.

- How do you know that ?

Elle sembla seulement réaliser que quelque chose lui avait échappé.

- And by the way… What brought you here in such an energic way ?

- Well...

 

 

Les trois jeunes femmes se retrouvèrent dans la chambre du luxueux hôtel. La dénommée Nyrthi se dirigea vers le petit bar et se servit un martini. Janna était posée sur un petit siège, les jambes croisées, à dévisager Julie qui ne savait pas trop à quoi s’en tenir.

Pourquoi les deux démons ne l’avaient pas encore exécutée ?

« Je peux répondre à cette question ma chère enfant, dit Nyrthi comme lisant dans les pensées de Julie.

- Faites donc ma « chère », répondit Julie sur le ton du sarcasme.

- Apparemment, notre chère Janna a pour mission de te ramener vivante auprès de Kayla, qui est, si je ne m’abuse, ta mère.

- Tiens donc. Et vous quel est votre rôle dans l’histoire ? Vous êtes la servante de ma chère Janna ?

- Tu te trompes mon enfant, je suis ici pour te tuer ».

Julie ne put répondre et poussa un petit cri de surprise. Janna semblait également ne pas savoir comment réagir et se leva pour faire face à Nyrthi. Elles échangèrent un regard qui semblait en dire long sur le désaccord de Janna.

« Et que vas-tu faire ma bien aimée, m’en empêcher. Tu n’as même plus tes pouvoirs. Cette fille est la cause de tous nos malheurs, et tu le sais. Peut-être est-ce Kayla, peut-être est-ce la fusion. Dans les deux cas, elle est une des causes qui ont conduits à la destruction de nombreux membres de notre espèce. Et ensuite ce sera le tour de sa mère.

- Comment oses-tu me parler ainsi Nyrthi ! Agenouille-toi devant ta créatrice ! répondit Janna de la colère dans la voix.

- Tu n’es plus rien ma chère et tu ne l’as plus été dés l’instant où tu as refusé mon offre quant à ta retransformation.

- Je ne l’ai pas refusé, rétorqua-t-elle. Ne peux-tu pas te figurer ce que c’est de retrouver son humanité après plus de dix siècles !

- Je m’en moque, tu as fait ton choix à présent ».

Julie jetait des regards désespérés à l’endroit de Janna. Elle la sentait de son côté. Mais elle ne parvenait toujours pas à croire ce que Nyrthi venait de dire. Avait-elle réellement perdu ses pouvoirs ? Dans ce cas, elles étaient à présent toutes les deux à la merci de cette goule au tempérament destructeur plus que célèbre.

Il fallait donc réagir très vite. Tenter de jeter un sort serait ridicule face à une telle puissance, sachant de plus qu’elle s’y attendrait. Janna tentait de raisonner Nyrthi. Bien, elle ne pourrait pas en même temps lire les pensées de Julie. Cette dernière fit un rapide examen de la pièce. Elles se trouvaient au 16ème étage, tenter de sauter par la fenêtre les tuerait à coup sûr. Il ne restait qu’une option. Elle tendit très lentement la main vers la petite table basse sur laquelle se trouvait un paquet d’allumettes.

« Puis-je demander une dernière requête avant une mort certaine, dit alors Julie, arrachant à Janna un regard interrogatif.

- Je t’en prie mon enfant, répondit ravie Nyrthi. Qu’est-ce que tu désires avant ton dernier soupir ?

- Une cigarette. Cela fait plus de trois mois que je n’en ai pas allumé une, répondit hardie Julie.

- Et bien si c’est ce que tu désires, tu seras exaucée ».

Janna ne semblait pas comprendre le manège de Julie mais se doutait bien qu’elle tramait quelque chose. Nyrthi fouilla dans la poche de sa veste à mille dollars et en sortit un petit étui doré dans lequel se trouvait une dizaine de cigarettes. Julie s’approcha de l’étrange couple et en prit une qu’elle porta à ses lèvres. Nyrthi sortit un briquet et lui alluma sa cigarette. Julie tira dessus et exhala un léger nuage bleu.

« Aah, ça fait un bien fou, soupira-t-elle.

- Ce sont des cigarettes françaises. Apprécie-là, elle risque d’être la dernière, lui répondit Nyrthi en souriant.

- Comme vous dîtes, elle « risque » d’être la dernière ».

Et aussi rapidement qu’elle le put elle enfonça sa cigarette dans l’œil droit de la goule qui poussa un hurlement atroce. Julie lui retira vite le verre des mains et le cassa sur un coin de la table. Elle tourna la partie tranchante vers Nyrthi et la lui enfonça sans ménagement dans la gorge, un puissant  flot de sang s’en échappant. Janna resta ébahie par tant de hardiesse et réagit enfin. Elle se saisit de la petite chaise sur laquelle elle avait été assise quelques temps auparavant et l’écrasa violement sur la tête de sa création qui tomba inconsciente sur le sol, le sang sortant de sa gorge à flot.

« Dépêchons-nous de partir, dit Janna, cela ne va pas la retenir très longtemps.

- Oui, allons nous-en ».

Elle se précipitèrent vers la porte et sortirent de l’hôtel en courant, laissant une impression étrange au réceptionniste.

 

 

Eve avait finalement raconté ce qu'elle avait vu lors de la phase, mais également le souvenir de Julie auquel elle avait pu assister avant de reprendre connaissance.

- I think that when she attacked me, she set up a connexion between us. This is just as if I had accessed her memory. What I saw… I could recognize this feeling everywhere. I think Julie lived with this double what experienced Jess and Angel.

- But the process had been reversed ?

- It seems so… because even if there’s still something different about her, she’s still a human. And… unique if you see what I mean.

Lauren hocha la tête.

- I guess we have no other choice, soupira t-elle. So, fit-elle à l'intention de sa petite amie, How are we supposed to locate her ?

Diana lui décocha son plus beau sourire d'excuse.

- Magically.

- Magically, répéta calemement Lauren.

- I told you this wouldn’t please you... But have you another explanation about the way she brought you two down?  

- I could have done this… and I’m not a witch, avança Eve.

- No matter the name ? It’s still about controling something with the mind…

Lauren chercha le regard d'Eve en guise de soutien mais celle-ci se contenta de hausser les épaules.

- Let’s do it… what could be worse ...

- Alright. But remember I warned you. So, how do we proceed ?

 

Quelques minutes plus tard, elles se trouvaient toutes les trois au milieu de l’appartement, assises en tailleur autour de la carte de la ville, en se tenant les mains.

« This is RI DI CU LOUS, finit par lancer Lauren. Do you really believe that this magic thing will work ?

- Hush. I have to concentrate”.

Eve préféra ne rien dire. Elle observait les deux amies se crêper le chignon à propos de cette fille qui l’avait mise KO, elle censée être l'un des êtres les plus puissants sur Terre. Elle avait des sentiments plus que contradictoires concernant Julie. Quelque part, elle avait le sentiment de ne pas être si différente d'elle.

Diana ferma les yeux et plaça au centre de leur petit cercle le plan de New York, conformément aux indications de Julie. Pourvu qu’elle n’ait pas quitté la ville. Se remémorant la conversation et prononça les mots que Julie lui avait indiqué. Lorsqu'elle les rouvrit, rien ne s’était passé.

« May I say : « I told you ! », lança Lauren, cynique.

- I don’t understand. It should have worked. Let me think. The words are French and my accent is really bad. Maybe you could try Eve?”

Eve ouvrit des yeux écarquillés devant son amie. Elle, faire de la magie ? Certes elle s'était jointe à Diana, mais son avis rejoignait celui de Lauren : tout ceci était absurde. Mais finalement, que risquait-elle ? Les trois amies refermèrent alors les yeux et Eve visualisa la jeune fille qui, par certains cotés, semblait lui ressembler. Elle prononça les mots en français et même si sa voix manquait totalement de conviction, le résultat ne se fit pas attendre très longtemps. Elles ouvrirent les yeux pour constater qu’un petit point rouge s’était formé sur la carte. Diana s’empressa de prendre un crayon et nota rapidement la rue. Initiative heureuse puisque l'instant d'après, la petite carte prit soudainement feu, arrachant aux filles un cri de surprise. Lauren se précipita à la cuisine et en ramena une petite bouteille d’eau qu’elle vida sans ménagement sur le début d’incendie.

« Great, dit-elle, the door, and know this. I just changed the fitted carpet. This girl only brings us troubles!

- Let’s go. We have to find her before it’s too late”.

Diana enfourna le petit papier dans son sac et somma ses amies de la suivre à l’extérieur. Eve fut la dernière à sortir et tourna la tête vers le sol calciné.

« I have to wake up, I have to wake up ».

 

 

« Alors comme ça tu as perdu tes pouvoirs. La grande Janna à nouveau humaine, qui l’eut cru ?»

Janna ne répondit pas, perdue dans ses pensées. Sa mission n’avait pas changé, elle devait ramener Julie à Kayla. Mais un détail semblait avoir son importance. Sa jeune amie venait de lui sauver la vie, cela conjugué aux sentiments forts qu’elle ressentait pour elle. Dans quel merdier elle s’était encore mise !

Elles se trouvaient toutes les deux sur un chantier apparemment désert. Soit les ouvriers avaient pris une pose déjeuner astronomiquement longue, soit le chantier était à l’abandon, ce qui semblait l’hypothèse la plus probable. Certains tuyaux, posés à même le sol commençaient en effet à prendre la rouille.

« Et maintenant, qu’allons-nous faire ? reprit Julie.

- Je n’en sais absolument rien. Je viens seulement d’apprendre que des milliers de goules, mes enfants, sont mortes lorsque j’ai perdu mes pouvoirs. Je suis encore un peu sous le choc. Et la mauvaise nouvelle c’est que les survivantes sont après Kayla et toi !

- En terme clair : je suis dans la merde, c’est ce que tu essaies de me dire, répondit Julie de façon légère. Comme si ça me changeait de d’habitude.

- Sauf que cette fois-ci, je ne peux plus rien pour toi. Mes pouvoirs ne sont plus là pour te protéger mon ange ».

Cette dernière phrase résonna de manière particulière dans l’esprit de Julie. Tout démon qu’elle fut, elle aimait Janna à la folie. Et elle se rendait maintenant compte que ce n’était pas du fait de Malhal, mais bien du sien. Elle se rapprocha doucement de son amie et posa sa tête sur son épaule. Janna ne la repoussa pas et lui posa un léger baiser sur le front.

« Regardez si ce n’est pas mignon. Les deux amantes unies dans la mort. Ca me tirerait presque une larme… ».

Janna et Julie firent volte face de concert pour se retrouver face à Nyrthi qui était perchée sur une pelleteuse. La plaie à sa gorge ne se voyait déjà presque plus, le privilège de l’âge pensa Janna. Son œil, quant à lui, n’avait rien de guéri. Il était clos et recouvert d’une légère pellicule blanchâtre.

« Je vous laisse imaginer le regard horrible de la femme de ménage lorsqu’elle m’a trouvé ainsi sur le sol, peu après votre départ. Remarquez, ce n’était rien en comparaison de son regard lorsque je lui ai sauté à la gorge pour la vider de son sang. Un peu aigre mais pas désagréable ces natifs du sud ».

Elle prit son élan et sauta à quelques mètres devant Julie et Janna. Ces dernières eurent un mouvement de recul. Janna se posta devant Julie et fit face à Nyrthi.

« Pourquoi fais-tu cela ? Si tu as le moindre respect pour ce que je fus, laisse nous partir sans mal.

- Mais tu es libre. Tu n’es pas concernée par cette histoire. Je dois la détruire elle. Je veux juste être certaine que la Bête ne la possèdera plus jamais, nous mettant tous en péril.

- Je refuse. Tu devras me tuer avant de la toucher ».

Julie regarda Janna comme jamais elle ne l’avait regardée. Elle se tenait là, sans aucun pouvoir, prenant sa défense pour un combat sensiblement perdu d’avance. Elle l’aima davantage jusqu’à lui pardonner tous les évènements précédents.

Mais la scène réservait encore bien des surprises. En effet, sans raison apparente, Nyrthi se retrouva projeté contre un amas de tubes métalliques. Julie tourna la tête vers l’entrée du chantier pour découvrir Eve entourée des deux saphines.

 

 

Eve dévisagea ce qui effectivement semblait bien être un "vampire" tandis que celle ci se relevait, découvrant dans un sombre rictus des crocs plus longs que la normale. Le regard que renvoyait son unique oeil bleu glacé était absolument saisissant. Terrifiant aussi.

- One of your creation, Janna ? demanda t-elle à l'intention de la jeune femme asiatique.

Celle-ci ne répondit rien, mais tourna son regard intrigué vers Julie, en attente de réponse. La femme à l'oeil bleu s'avançant déjà vers elle, Eve prit une position défensive, mais n'eut pas le temps d'esquisser un geste que la créature la renvoya plusieurs mètres plus loin d’un coup bien placé. Elle retomba durement sur le sol, juste au dessous d'un échafaudage, le souffle coupé. Il n'y avait plus aucun doute quant à la non-humanité de cette femme. La voyant revenir à la charge, la jeune fille se redressa péniblement. Elle savait pertinemment que sa force physique était bien en deçà de celle de la créature. Elle rassembla sa concentration pour, de nouveau, la projeter le plus loin et le plus violemment possible. Mais déjà ses forces faiblissaient et elle ne put la repousser que de quelques mètres. Au moins avait-elle gagné une dizaine de secondes, et entreprit de grimper sur la construction branlante pour pouvoir user de ses pouvoirs sur le vampire sans que cette dernière ne puisse l'atteindre de ses coups. Mais d'un geste désinvolte, son adversaire arracha l'un des quatre piliers soutenant l’échafaudage et Eve s'écroula dans un amas de tôle.

- Pas des plus solides, commenta Nyrthi en fixant le corps inanimé de ce qu'elle imaginait être une seconde goule. A qui le tour ?

Ce n'était qu'une question rhétorique, à en juger par la façon dont elle s'approchait de Julie. Elle les tuerait toutes, c'était entendu, mais avant toute chose, elle accomplirait sa mission. Détruire l'hôte. Si Janna persistait à se mettre en travers de son chemin, elle subirait le même sort. Les deux autres filles, humaines, elle en était sûre, lui servirait à reprendre des forces.

Rien de tout cela n'arriva. Nyrthi ne put voir que trop tard le lourd tube métallique filer vers elle comme une flèche. Elle n'eut même pas le temps de crier.

Le tube vint se ficher dans son thorax et la transperça de part en part, lui arrachant un hoquet de surprise et un son des plus désagréables. Elle chancela quelques secondes sur ses jambes et s’écroula sur le sol.

Derrière elle, Eve, extraite des décombres, le souffle court, tomba elle aussi sur le sol. Diana et Lauren se précipitèrent et soufflèrent de joie en constatant que leur amie n'était pas gravement blessée, simplement à bout de forces. Janna et Julie s’avancèrent vers le trio new-yorkais. Julie passa devant Janna et se jeta dans les bras de Diana et Lauren.

« How can I possibly thank you ».

Eve, assise en retrait, récupérait doucement, tout en fixant d'un air triste et presque absent le corps sans vie de Nyrthi. Janna resta plantée debout, les bras croisés à observer la scène. Elle ne pouvait se résoudre à ramener Julie.

C’est alors qu’une détonation se fit entendre, puis une seconde. Julie leva incrédule les yeux vers Janna. Celle-ci se trouvait toujours debout, les yeux écarquillés. Elle baissa les yeux vers son thorax et constata la petite tâche rouge qui s’étendait sur sa veste blanche. Julie se leva et la rattrapa à temps avant qu’elle ne tombe.

« Mon dieu, non, pleura-t-elle.

- Et bien, on peut dire que cette fois ta mère a fait fort. Je savais bien qu’elle m’avait éloignée de Malhal pour se débarrasser de moi. Elle va te mettre ça sur le dos, tu peux en être certaine.

- Non, ce n’est pas possible ».

Julie pleurait à chaudes larmes. Elle regarda celle qui l’avait formée pendant si longtemps et s’essuya les yeux. Son teint commençait à pâlir. Elle tourna la tête vers l’origine de la détonation et vit un homme s’enfuir en courant. Elle ne savait plus quoi faire lorsqu’elle aperçut enfin le corps de Nyrthi qui se vidait de son sang.

« Fais moi confiance, tu vas vivre Janna ».

Elle demanda de l’aide à Diana et porta Janna jusqu’au corps de la goule morte.

« Bois, si tu veux vivre. C’est ta seule chance ».

Et Janna qui ne souhaitait pas mourir porta ses lèvres jusqu’à la gorge de Nyrthi. Finalement j’accepte ta proposition pensa-t-elle. De ses dents elle déchira la peau encore fine des événements précédents et laissa le flot s’engouffrer dans sa gorge. Elle grimaça un instant et finit par savourer le liquide nacré. Elle but et but, plus que de raison et retomba violemment en arrière, bousculant Julie et Diana par la même occasion. Voilà donc ce que ressentaient les humains qu’elle transformait. Elle se contorsionna et puis plus rien. Le noir, la mort.

Un instant après elle inspira un grand coup et toussa pour évacuer le sang qui avait réussi à se frayer un passage jusque ses poumons. Elle était vivante. Elle fit une grimace en sentant la plaie due à la balle se refermer. Elle ouvrit grand les yeux et poussa un cri de douleur tellement la lumière lui faisait mal aux yeux. Elle savait que tout ceci était temporaire. Son corps se transformait et toute l’énergie requise créait une photophobie. Bientôt elle pourrait de nouveau marcher sous l’astre solaire.

« Janna, est-ce que ça va demanda Julie qui venait de voir Janna ramper vers un coin d’ombre.

- Très bien mon ange, répondit celle-ci rassurante. Tu connais le processus, je vais devoir me tenir à l’écart du soleil au moins 48 h. Tu sais que ça fait deux fois que tu me sauves la vie aujourd’hui. C’est plus que tu n’ais jamais fait sous l’empire de Malhal !

- C’est que… je ne sais pas pourquoi. En plus tu es censée me ramener auprès de Kayla. En réalité, je dois être folle à lier ».

Janna sourit. Comme elle allait lui manquer. C’était décidé, elle ne la ramènerait pas avec elle. Que Kayla aille au diable, si ce n’était déjà fait. Janna était persuadée qu’elle était la cause de cette tentative d’assassinat. Elle comptait bien lui faire payer, mais à sa façon. La nouvelle Janna était née.

 

 

Et bien me revoici encore sur un avion, en direction du Mexique cette fois-ci. Janna avait contre toute attente retourné sa veste et avait décidé de ne pas me livrer à ma mère. Elle s’était contentée de me donner un baiser des plus passionnés et était partie sans un mot. Mais avant son départ elle m’avait donné une pierre de jade qu’il fallait que je porte à tout moment autour du coup pour que Kayla ne me retrouve jamais.

Diana, Eve et Lauren avait également été des amours. Elles avaient demandé à un certain inspecteur Riker de s’arranger pour que je quitte les Etats-Unis sans encombre et il avait fait le nécessaire. Le Mexique était-il la destination la plus sûre, je n’en étais pas persuadée. Mais à défaut d’autre chose, c’était un pays assez simple pour un fugitif. Et puis après l’anglais, pourquoi ne pas travailler un peu mon espagnol !

Je m’étais plusieurs fois excusée auprès de Lauren pour la porte de l’appartement et la table. Elle avait souri et m’avait prise dans ses bras. Au fond je pense qu’elle était ravie de se débarrasser de moi.

Et voilà, c’en était fini de Malhal, Kayla, Luc et Janna. Je n’allais plus entendre ces noms avant un long moment, au moins l’espérais-je.

Mexico, me voici.

 

FIN